Le rôle de l'intellectuel dans la guerre, c'est le thème développé par l'éminent historien américain David L. Schalk qui a animé une conférence au Centre culturel français (CCF) d'Alger, jeudi dernier. Qu'en est-il de l'engagement des intellectuels français de 1954 à 1962 ? Qu'en a-t-il été de celui des intellectuels américains entre août 1964 et fin février 1973, période clé de la guerre du Viêt-Nam et celle d'Irak en 2003 ? David L. Schalk a fait une approche comparative où constats et réflexions se conjuguent pour cerner les prises de position ou absence de réaction face à ces guerres. Pour le conférencier, l'une des manières d'illustrer le cycle d'engagement des intellectuels dans les guerres, ou plutôt pour la paix, a fait l'objet d'une étude comparative entre trois guerres, celles du Viêt-Nam, d'Algérie et d'Irak. Lui-même défenseur des droits de l'homme, Schalk a signé sa première pétition le 16 février 1965 contre la guerre du Viêt-Nam dans les colonnes du journal le New York Times, considéré comme le journal national des Américains. Evoquant la guerre d'Algérie, le professeur américain mettra en exergue le rôle joué par les intellectuels français, à leur tête Jean-Paul Sartre qui a livré une guerre sans merci au pouvoir français de l'époque, “qui n'a jamais voulu qualifier le soulèvement algérien de guerre, mais d'événements d'Algérie. Le rôle de Jean-Paul Sartre a été déterminant face à Guy Mollet qui intensifia la guerre contre l'Algérie”. Le professeur Schalk reconnaît qu'au fil des années, l'engagement des intellectuels se fait de plus en plus rare. “Aujourd'hui, les engagés se font vieux, par exemple en 1969, il y avait 50 000 signataires contre la guerre, alors qu'en 2008, ils ne sont qu'une douzaine”, dira-t-il avec beaucoup de regrets. David Schalk reconnaît que depuis le temps, les relations entre intellectuels et pouvoir étaient conflictuelles et que le pouvoir avait recours à ses propres méthodes pour museler les intellectuels. “Un système d'embauche et de promotion a été instauré dans les universités où les titres d'adjoints sont alloués aux intellectuels pacifistes car les adjoints n'avaient pas le droit d'intervenir lorsqu'il y avait conflit. Les gouvernements ont trouvé les moyens pour supprimer l'engagement des intellectuels”, ajoutera-t-il. L'orateur évoque à cette occasion la faiblesse de la classe politique dont les représentants “ne cherchent qu'à être réélus”, instituant du coup “une tradition de faiblesse”. Même si le sujet n'a pas été à l'ordre du jour de sa conférence, M. Schalk a évoqué le conflit israélo-palestinien et la dernière agression sur la bande de Gaza. “Ce qui s'est passé à Gaza est une tragédie. Le peuple palestinien a droit à un Etat souverain”, s'est-il contenté de dire. Pour autant, David Schalk ne perd pas espoir de voir les intellectuels avoir plus d'espace afin d'œuvrer pour la bonne cause et pour la paix. Pour cela, de grands espoirs reposent, selon lui, sur l'actuel président des Etats-Unis, Barack Obama, avec qui le changement peut arriver. “J'admire Obama et j'espère qu'il arrivera à changer les choses”, a-t-il souhaité. Chérif Memmoud