Les discussions sont bloquées depuis plus d'un an. Elles vont reprendre en avril. Mais l'Algérie ne semble pas prête à des concessions pour des raisons sociales et pour préserver les avantages compétitifs de son économie. Les négociations entre l'Algérie et l'Union européenne en vue de l'adhésion à l'OMC sont bloquées, a confié un haut fonctionnaire de la Commission européenne, membre de l'équipe de négociations côté UE. Elles butent principalement sur la double tarification des prix du gaz en vigueur en Algérie et sur les aspects techniques, a-t-il ajouté. En clair, l'Algérie applique des prix du gaz sur le marché intérieur jugés bas et des prix du gaz exporté beaucoup plus élevés tels que pratiqués sur les marchés internationaux. L'UE veut que l'Algérie aligne les prix domestiques sur les prix internationaux. L'Algérie y perd un avantage compétitif si elle cède sur ce point avec comme conséquence une moindre attractivité des investissements dans des secteurs à fort potentiel exportation comme la pétrochimie, l'aluminium et autres industries de transformation. Une telle concession entraînera une hausse des prix du gaz en Algérie. L'argumentaire selon lequel l'Algérie n'accorde pas de subventions pour soutenir les prix du gaz et les garder à des niveaux bas n'a pas convaincu la partie européenne, poursuit le représentant de la Commission européenne. L'Algérie défend, rappelons-le, le principe que les prix domestiques intègrent le coût de revient et les marges. Selon la même source, l'UE demande que l'argumentaire algérien soit exposé par écrit à la partie européenne. Ce qui n'a pas été encore fait. Sur les véhicules d'occasion, autre point d'achoppement dans les négociations, l'UE serait prête en revanche à céder. “Nous avons compris la nécessité pour l'Algérie d'assainir le marché.” En termes plus clairs, l'UE n'était pas favorable à l'interdiction d'importation des véhicules d'occasion considérée comme une restriction à la liberté de commerce. Autrement dit, elle voulait lever cette mesure. L'Algérie est restée sur sa position, arguant que la levée de l'interdiction conduirait à l'introduction de véhicules d'occasion, non conformes en Algérie. L'Algérie n'est pas une poubelle, font valoir les Algériens. Cet argumentaire a fait infléchir la position européenne. Selon la même source, l'UE reproche à la partie algérienne d'éviter les travaux techniques sans lesquels les négociations ne peuvent avancer. Pour le haut fonctionnaire, ce travail n'est pas fait. Il reste des points à régler. Au cours de la réunion de novembre 2008, on a fait l'inventaire. L'Algérie a modifié son offre en matière de services. Elle a, autrement dit, présenté une nouvelle offre. La partie européenne a demandé à bénéficier de l'exception dans le secteur audiovisuel. “Une fois ces points réglés, l'adhésion de l'Algérie à l'OMC doit aller plus vite”, a ajouté la même source. À noter que ces discussions sont menées en vue de conclure un accord bilatéral entre l'Algérie et l'UE. L'Algérie doit signer des accords bilatéraux avec les pays membres de l'OMC, principalement avec ses principaux partenaires, un préalable à son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce. À noter que les arrangements principalement avec l'UE et les Etats-Unis ouvrent pour l'Algérie les portes de l'accession à l'OMC. Les négociations sont en cours pour ouvrir davantage le marché algérien Par ailleurs, les négociations sont en cours pour ouvrir davantage le marché algérien dans les secteurs de l'agriculture et des services. L'accord d'association n'a pas prévu ces deux volets. Selon le haut fonctionnaire, la promesse a été donnée par la partie algérienne d'ouvrir son marché dans les deux secteurs. Les discussions sur ce sujet entrent dans le cadre des négociations de l'OMC. Rappelons que l'Algérie et l'UE ont convenu de conclure un accord sur les services dans le cadre des négociations d'adhésion de l'Algérie à l'OMC. “Nous encourageons beaucoup l'Algérie à adhérer à l'OMC”, disent des hauts fonctionnaires de la Commission européenne. Autre volet important des relations entre l'Algérie et l'UE, c'est la mise en œuvre de l'accord d'association, entrée en application en septembre 2005. Les données communautaires indiquent que le flux commercial à l'instar des autres pays de la rive sud, entre l'Algérie et l'UE, a augmenté de façon considérable depuis le lancement du processus de Barcelone. Elle importait pour 4,7 milliards d'euros en 95 contre 9,8 milliards d'euros en 2008, soit une croissance annuelle de 6,9%. L'Algérie exportait pour 6,1 milliards d'euros en 95, contre 24 milliards d'euros en 2006. Au tableau gris reste l'investissement. Lors d'une rencontre avec le Chef du gouvernement en février 2008 dernier avec la délégation de l'UE, le responsable de l'Exécutif a exprimé la déception côté algérien sur les résultats de cet accord, rapporte le haut fonctionnaire de l'UE. L'accord d'association n'a pas entraîné un flux important d'investissements européens en Algérie, tel a été le reproche du Chef du gouvernement. Pour la partie européenne, l'Algérie reste un pays difficile pour les investisseurs. Elle considère que le climat d'affaires est caractérisé par une instabilité juridique : application rétroactive des lois. Le haut fonctionnaire a cité un cas d'une entreprise française qui a rencontré des difficultés en Algérie. Elle voulait acheter des tuyaux usagés en vue de leur réexportation. “On lui a demandé des certificats qui n'existent même pas”, ajoute la même source. La bureaucratie donne un signal que l'Algérie n'est pas favorable aux investissements étrangers. Cela explique pourquoi les investisseurs ne viennent pas. Pour le haut fonctionnaire, le contact direct qui a duré deux heures avec le Chef du gouvernement sur l'accord d'association a été négatif. Ce dernier a argué que l'arrangement n'a pas développé les échanges. On a répondu que d'après nos statistiques, le commerce a progressé. En revanche, on a dit que l'Algérie a un problème plutôt de diversification de ses exportations, de créer des emplois pour occuper sa jeunesse et qu'elle devrait être plus ouverte aux investissements étrangers. En matière de politique de voisinage, l'Algérie avait exprimé sa volonté de ne pas y participer. Qu'a-t-on à gagner ? Actuellement, l'Algérie n'a pas besoin de crédits. Elle ne veut s'engager sur les aspects politiques : démocratie, droits de l'Homme et bonne gouvernance, des conditionnalités pour mettre en route le plan d'action en contrepartie d'un soutien financier. Des derniers contacts au mois d'octobre 2008, il ressort que l'Algérie envisage un dialogue plus poussé avec l'Union européenne. Autrement dit, il y a une volonté algérienne de coopérer de façon plus poussée via une feuille. “On a un nouveau texte, une feuille de route”, indique un haut fonctionnaire de l'UE. Contenu : des travaux en sous-comités sont prévus entre la partie algérienne et la partie européenne. Le texte programme des discussions en sous-comité sur l'agriculture, le commerce, la douane, la recherche universitaire. Ces travaux aborderont les aspects de contrôle phytosanitaires, le climat d'affaires, en vue d'améliorer la capacité d'attirer les investissements étrangers. Par ailleurs, plusieurs actions sont en cours avec les Douanes algériennes pour améliorer la capacité institutionnelle. Un nouveau code des douanes est élaboré en coopération avec l'assistance technique de l'UE. Les discussions porteront également sur la sécurité de la chaîne logistique en matière de transport des marchandises. Les discussions sur la libéralisation de l'agriculture sont reportées à plus tard. Les réunions des sous-comités se tiennent chaque année, le comité d'association composé de hauts fonctionnaires des deux parties se réunit également en principe chaque année. Le conseil d'association se tient aussi tous les ans. Quant au partenariat stratégique entre l'UE et l'Algérie en matière d'énergie, il est au stade des discussions préliminaires. L'accord est bloqué, selon le ministre de l'Energie, Chakib Khelil, en raison de l'absence de garanties quant à son applicabilité à l'ensemble des pays membres de l'OMC, faute de coordination au sein de l'UE. Il convient de rappeler ici que suite au différend entre la Russie et l'Ukraine sur le transit du gaz, ayant conduit à une coupure d'approvisionnement ayant touché l'Europe, l'UE a ressenti la nécessité de diversifier ses sources d'approvisionnement et partant de conclure un partenariat stratégique avec un grand gazier comme l'Algérie. Quant à l'Union pour la Méditerranée qui consacre la volonté commune des pays de l'UE et des pays tiers méditerranéens de concrétiser les objectifs de la déclaration de Barcelone : création d'un espace de paix, de stabilité, de sécurité et de prospérité partagée, est au point mort après l'agression israélienne contre Gaza. Cette union, dont la conception et la naissance ont été difficiles, joue aujourd'hui sa survie. L'Algérie nourrit des griefs contre la démarche et les décisions ayant permis le démarrage de cette construction. L'Union n'a pas non seulement les moyens financiers de sa politique mais se complique les choses avec un secrétariat politique et non technique. Considérée par l'initiateur du projet comme un acteur central de cette construction, l'Algérie ne co-présidera pas pourtant l'union. Elle n'abritera aucune structure de l'union. De manière générale, étant l'un des principaux fournisseurs en gaz de l'UE, pays donc stratégique pour l'Europe et le second partenaire commercial de l'UE en Afrique, l'Algérie n'en tire pas avantage au profit de pays comme le Maroc et la Tunisie qui sont très avancés dans leurs relations avec l'Union européenne et qui de ce fait bénéficient de plus d'appuis techniques et financiers. Mais la question qui se pose est surtout de rentabiliser cette relation au profit de l'essor de l'économie du pays et au bénéfice de la population. On n'en est pas encore là. On est encore de manière générale très loin d'une zone de prospérité partagée. Il faudra encore attendre pour que ce processus d'intégration se mette bien sur les rails. L'UE aujourd'hui est surtout préoccupée d'éteindre les feux de la récession qui ont dégradé de façon sensible la situation économique et sociale des pays membres. Les pays partenaires du Sud, eux, tentent de limiter les effets de la crise financière mondiale sur leurs économies. L'Algérie jouit, elle, d'une position privilégiée avec une meilleure situation financière. Son marché s'avère, pour cette raison, attractif pour les entreprises des pays en récession. Saura-t-elle utiliser cet atout pour attirer des investissements en ligne avec la couverture de la demande locale et ses besoins de transfert de savoir-faire ? K. R.