Le nettoyage des accords de défense, annoncé il y a un an par le président français Nicolas Sarkozy, au nom de la remise à plat des relations franco-africaines, a commencé à se concrétiser, même si la transparence absolue promise se fait toujours attendre. Le 28 février 2008, le chef de l'Etat proclamait au Cap, devant le Parlement sud-africain, sa volonté de tordre le cou aux dérives de la “Françafrique” en assurant que l'armée française ne jouerait plus les gendarmes du continent et qu'elle n'avait “pas vocation” à s'y maintenir “indéfiniment”. Dans la foulée, il annonçait la révision des accords de défense “obsolètes” signés par Paris avec ses ex-colonies, ne jugeant “plus concevable” d'y intervenir “dans des conflits internes”. Avant de promettre leur publication “intégrale” et d'associer “étroitement” le Parlement français à sa politique africaine, jusque-là chasse gardée de la présidence française. Un an plus tard, un premier document d'une quinzaine de pages vient d'être paraphé avec le Togo. Son contenu ne sera rendu public qu'une fois ratifié par les Parlements des deux pays mais, selon un diplomate, le texte redéfinit leur coopération militaire sur une base de “réciprocité”. Surtout, il exclut “tout engagement de l'armée française pour soutenir les régimes en place”, assure-t-on à l'Elysée, et “tout cela est définitivement renvoyé à l'Histoire”. “Une révolution”, s'est réjoui le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Après le Togo, les documents liant la France à sept autres pays africains — République centrafricaine, Cameroun, Comores, Djibouti, Sénégal, Gabon et Côte d'Ivoire — vont aussi passer à la moulinette du changement. Longtemps réclamée, cette révision est saluée dans son principe. “Il fallait lever cette ambiguïté” pour “privilégier la coopération sous les couleurs européennes et renforcer les capacités des Africains à prendre eux-mêmes leur sécurité en main”, se félicite le député socialiste Bernard Cazeneuve. Mais ce virage est insuffisant pour certains. “Les accords de défense, c'est bien. Mais il faut aussi nettoyer les accords de coopération qui entretiennent le flou, et d'abord au Tchad où la France entretient son plus grand contingent africain”, estime Nicolas Vercken, de l'organisation non gouvernementale Oxfam. Plus d'un millier de soldats français stationnent dans ce pays depuis 1986 dans le cadre de l'opération Epervier. Contrairement au passé, ils se sont gardés d'intervenir directement dans les combats lors d'une attaque rebelle sur N'Djamena en février 2008, se limitant à une mission de logistique et de renseignement. Leur présence reste toutefois considérée comme un soutien essentiel au régime ami du président Idriss Deby. En outre, la “transparence” annoncée par le président semble avoir des limites. “À ce jour, nous n'avons toujours pas vu de liste précise des accords de défense existants, et encore moins leur contenu”, regrette Bernard Cazeneuve. “Une fois de plus, le Parlement n'est ni informé ni en mesure de jouer son rôle de contrôle. L'Afrique reste un cas à part”. “Les nouveaux accords seront publiés”, promet le secrétaire d'Etat à la Défense Jean-Marie Bockel. “Mais pour ceux en cours, quel intérêt aurions-nous à le faire alors que les dirigeants africains ne le veulent pas ? La confidentialité faisait partie des accords”, rappelle-t-il. Reste enfin la question des bases militaires. Abidjan sera supprimée et l'Elysée tranchera en 2012 sur le maintien de Dakar ou Libreville. D'ici là, les “fantasmes”, selon le mot d'un diplomate, générés par la présence militaire française en Afrique, ont encore de beaux jours. R. I./Agences