Le sommet ayant réuni le président américain Barack Obama et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu s'est terminé en queue de poisson, les deux dirigeants ayant campé sur leurs positions respectives. Non seulement il n'y a pas eu d'accord, mais les désaccords ont été confirmés et assumés. Est-ce pour autant “un coup pour rien”, comme l'ont affirmé certains analystes ? Ce n'est pas forcément le cas, ne serait-ce que parce que cette rencontre a apporté des réponses à deux questions essentielles. La première question a trait au nouveau locataire de la Maison-Blanche. Malgré un discours novateur qui, pour la première fois, fait une place au peuple palestinien et à ses aspirations, et rappelle les dirigeants israéliens à leurs devoirs, beaucoup d'observateurs se sont interrogés, à juste titre, si Obama n'allait pas infléchir ses positions face au chef du Likoud qui dirige un gouvernement de faucons. La réponse a été nette et sans bavure : l'administration Obama entend œuvrer à la promotion d'une solution à deux Etats dans le conflit israélo-palestinien, exhorte les Israéliens à mettre un terme à la colonisation en Cisjordanie et invite Netanyahu à respecter les accords signés par les gouvernements précédents ; de même, il confirme son choix stratégique de privilégier la voie diplomatique avec l'Iran sur la double question du nucléaire et du terrorisme, et met en garde contre toute initiative intempestive de Tel-Aviv sans concertation préalable. La deuxième question concernait Netanyahu et son gouvernement. Avant ce sommet, beaucoup d'analystes et d'éditorialistes se sont perdus en conjectures, allant jusqu'à suggérer qu'Avigdor Lieberman n'était qu'un ministre des Affaires étrangères de pacotille et que ses propos scandaleux n'engageaient pas le gouvernement et le Premier ministre. Certaines suggestions sibyllines du ministre de la Défense, le travailliste Ehud Barak, ont quelque peu contribué à répandre cette idée, surtout que Netanyahu disait à qui voulait l'entendre qu'il n'avait pas encore élaboré sa politique pour le Proche-Orient, prétexte qu'il a d'ailleurs invoqué pour reporter la date du sommet UE-Israël. La rencontre de Washington a levé toute équivoque à ce sujet. On sait désormais, comme nous l'affirmions dans ces mêmes colonnes, que les rôles sont judicieusement distribués au sein du gouvernement israélien pour promouvoir une politique parfaitement concertée, destinée à saper tous les efforts d'instauration d'un Etat palestinien indépendant. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le gouvernement israélien et son Premier ministre risquent d'être les premières victimes de leur propre fuite en avant. Avant le sommet de Washington, déjà, un sondage donnait 57% d'Israéliens favorables à la création d'un Etat palestinien. Après son échec, un véritable malaise s'est installé, y compris parmi certains partisans de la ligne dure. La crainte de voir les relations privilégiées avec l'allié américain se relâcher l'emporte chez une majorité significative et Benyamin Netanyahu et son gouvernement seraient rendus responsables du désastre si l'alliance stratégique venait à se dégrader. L'autre danger qui guette l'exécutif dirigé par Netanyahu consiste en un possible sursaut d'orgueil des travaillistes, qui pourraient parfaitement quitter la coalition pour éviter d'être accusé d'avoir négocié des postes et non des principes. Ce cas de figure est tout à fait envisageable et son avènement signifierait une crise institutionnelle et, probablement, des élections législatives anticipées. De ce point de vue, le prochain sommet avec l'Union européenne revêt une importance capitale. Si l'attitude israélienne n'évolue pas entre-temps, ce qui sera certainement le cas, la rencontre est vouée au même sort que le sommet de Washington et l'échec sera au bout. Si de plus les Européens décident de revoir à la baisse leur contrat d'association comme ils ont déjà menacé de le faire, Netanyahu et son gouvernement se retrouveraient isolés à l'extérieur et fragilisés à l'intérieur. Surtout que l'ONU, fait sans précédent, a décidé d'ouvrir une enquête pour crimes de guerre lors de la guerre de Gaza, sans le consentement et malgré l'opposition d'Israël. Ce serait alors le moment pour Ehud Barak de jouer les grands cœurs et de quitter le navire. Le danger serait que Netanyahu opte pour une dangereuse diversion et joue son va-tout en décidant de frappes aériennes contre l'Iran, qui persiste dans sa volonté de poursuivre son programme nucléaire.