“La France a toujours peur d'ouvrir le dossier des essais nucléaires dans le sud de l'Algérie. Mais nous, nous devons faire en sorte que ce dossier soit réellement ouvert pour mettre un terme à ce danger.” Cet avis a été exprimé, hier, au Centre des études stratégiques d'Echaâb (Alger), par le chercheur en génie nucléaire, Ammar Mansouri. Ce dernier a insisté sur les effets de ces essais, rappelant les conséquences de “type génétique” qui se transmettent sur plusieurs générations, ainsi que “les contaminations de nouvelles personnes”, puisque les zones touchées ne sont pas toutes délimitées. Le chercheur du Centre de recherches nucléaires a, en outre, fait remarquer que la France évite aussi d'aborder la question des “essais biologiques” utilisés sur des animaux, comme cela a été fait, par exemple, à Reggane. “Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont une longueur d'avance sur la France, en termes de reconnaissance des victimes du nucléaire”, a-t-il déclaré, en faisant allusion au premier pas franchi, le 24 mars dernier, par les autorités de Paris, à travers leur décision de payer leur dette aux victimes des essais nucléaires, parmi les personnels civils et militaires, et les populations de Polynésie et d'Algérie. Seulement, révélera M. Mansouri, le nombre de l'ensemble des victimes algériennes concernées par le “massacre” n'est toujours pas connu. Pour l'intervenant, la nouvelle loi française risque d'être “sélective”, en raison notamment de la limitation du “seuil d'exposition” des radiations et de la reconnaissance de seulement “18 pathologies”, alors que les Américains ont reconnu, eux, “au moins 30 pathologies liées aux effets nucléaires”. “La France veut être en paix avec elle-même, mais pas encore avec ses partenaires”, a-t-il ajouté, notant judicieusement que de la reconnaissance de la guerre d'Algérie à celle des essais nucléaires, l'objectif “répond à un déni franco-français”. Qu'en est-il alors du côté algérien ? Le chercheur a plaidé pour un travail visant à faire pression sur la France et la contraindre à “réparer les préjudices subis”. Amar Djeffal, expert en relations internationales, a pour sa part axé son intervention sur des observations, estimant, entre autres, que le projet français relatif à l'arme nucléaire, lancé dans les années 1950 est “le seul projet réalisé de façon commune” avec Israël. “Ce qui est sûr, c'est que la France avait besoin de l'expérience des Israéliens”, a-t-il affirmé, en lançant plus loin : “C'est aussi un projet réalisé entièrement dans les territoires colonisés, où l'étape la plus sale a été subie par l'Algérie et l'autre étape par la Polynésie.” Sur le registre des indemnisations, M. Djeffal a distingué la période d'avant l'Indépendance et celle survenue après le 5 juillet 1962. Selon lui, il est clair que dans la première étape, “les essais nucléaires sont un crime contre l'humanité”. Quant à la période de l'après-Indépendance, il a laissé entendre qu'elle n'est pas assumée par les autorités d'Alger, alors que “toutes les guerres se terminent par des règlements douloureux” où la bonne foi des négociateurs algériens de l'époque n'est pas à remettre en cause. “Mais ce que je ne comprends pas, c'est leur silence (des dirigeants algériens) toutes ces années”, a déploré l'universitaire. Lors du débat, la question de la liste des victimes habilitées à être indemnisées par les autorités françaises est revenue. M. Laggoune, un universitaire en droit, s'est d'ailleurs interrogé sur le statut donné par la France aux régions du Sud touchées par les essais nucléaires et à la population autochtone — pas seulement les 24 000 Algériens dénombrés (sur un total de 150 000 personnes) par l'ancienne puissance coloniale. “Il faut attendre la loi pour engager le débat sur différents points, dont celui du statut du territoire et des victimes, et celui des conséquences des essais nucléaires sur l'environnement”, a-t-il enfin suggéré. H. Ameyar