“Nous sommes désolés, nous avons commis une erreur !” C'est par ces mots qui sonnent comme une sentence qu'A. N. a été accueillie par un médecin de l'hôpital Mustapha d'Alger. Toute interloquée et secouée, mais tout de même soulagée d'être tirée des griffes du cancer, cette femme de 44 ans originaire de la ville d'Aïn Oussera dans la wilaya de Djelfa, n'en revenait pas. En effet, s'appuyant sur des analyses dûment établies par une clinique privée à Alger, des chirurgiens de l'hôpital Mustapha lui ont fait, dit-elle, subir par erreur une ablation du sein, alors que trois médecins spécialistes, à Médéa et à Blida, avaient émis des diagnostics totalement différents puisque les examens primaires faits chez les deux premiers n'avaient détecté ni ganglions ni aucune autre réaction inflammatoire, principaux symptômes de la maladie, alors que le troisième suspecte bizarrement le cancer. Comment cette bonne dame s'est retrouvée là après avoir souffert le martyre ? Ressentant des douleurs récurrentes sous le bras, un médecin généraliste d'Aïn Oussera lui conseille de consulter un spécialiste à Blida pour une mammographie. L'examen ne détecte aucune anomalie. Deux semaines plus tard, notre patiente décide alors de voir un gynécologue à Médéa. Celui-ci propose de corriger cette “malformation” et la confie à un professeur en anapathologie qui a pignon sur rue dans la ville des Roses, qui lui fait une petite chirurgie. Les analyses cytopathologiques démontrent la présence de cellules bénignes. On n'hésite pas alors à diagnostiquer le cancer. C'est alors que la quadragénaire est orientée vers l'hôpital Mustapha. Ce dernier demandera tout de même d'autres radios que la malheureuse victime fera sans rechigner dans un centre d'imagerie médicale privé à Alger qui confirmera ce qui n'était que pure suspicion. C'est en fonction des résultats des investigations dudit laboratoire que les chirurgiens procéderont à l'ablation. La pièce prélevée a été par deux fois soumise à un examen d'anatomie pathologie comme le stipule le règlement. Et le verdict tombe : “Absence de processus tumoral.” La conclusion du compte rendu d'anatomie pathologique émanant du laboratoire d'anatomie et de cytologie pathologiques du Centre Pierre et Marie Curie est on ne peut plus claire : “Aspect morphologique correspondant à une mastite granulomateuse non spécifique avec absence de tout processus néoplasique.” Non convaincue, la bonne dame, munie du rapport du laboratoire, se rend chez le spécialiste de Blida, premier à avoir diagnostiqué le cancer. Ce dernier campe sur sa position, maintient le suspense en exhortant sa patiente à aller se soigner. L'effet de l'émotion passé, la malheureuse victime, charcutée et meurtrie dans sa chair, revient à elle après cette bien étrange mésaventure. Elle compte introduire une action en justice en vue de demander réparation. Mais nos hôpitaux n'ayant pas les moyens de procéder à une reconstruction mammaire comme cela se fait dans les pays développés, aucune autre indemnisation ne pourra la consoler de la perte d'un organe aussi vital, des séquelles occasionnées, et encore moins du préjudice moral causé. Combien sont-ils vraiment à être tombés sous le fait d'une erreur médicale ? Beaucoup, certainement mais chez nous, l'on se tait par humilité, préférant faire son deuil et ne pas remuer le couteau dans la plaie. En Algérie, pas moins de 500 plaintes contre des médecins ont été déposées ces trois dernières années par des patients ou par leurs familles auprès des instances médicales et judiciaires, selon le président de l'ordre des médecins. La question n'est plus un tabou et mériterait que l'on s'y penche sérieusement.