Pendant toute la campagne, Bouteflika a tourné autour du pot de l'amnistie générale. S'éloignant parfois de ce qui a fait la finalité de son règne, la “réconciliation nationale”, il a même usé, une fois n'est pas coutume, du terme maudit d'éradication. Mais pourquoi l'amnistie devrait devenir générale ? Elle concerne déjà les protagonistes de “la tragédie nationale” en général. En étaient exclus, dans la lettre, les auteurs de massacres collectifs et les poseurs de bombes sur les lieux publics mais, dans les faits, aucun terroriste n'a été confondu de ces crimes impardonnables. Les variations autour de la notion d'amnistie se sont conclues, au dernier jour de campagne, par cette sentence du Président, énoncée sur le ton du conditionnel : “Pas d'amnistie sans référendum.” La formule réduit l'amnistie à un statut de simple hypothèse, de surcroît conditionnée par le résultat d'un référendum. On l'a éprouvé maintenant avec la réconciliation nationale et la révision de la Constitution, en particulier. Les choses se passent ainsi : de longues palabres, passant parfois par des étapes de fausses controverses au sein même du pouvoir. Et une fois banalisée l'idée, le projet se met en place avec la facilité qu'on sait et le taux d'approbation qui convient. Il y eut le référendum de 1999 approuvant à plus de 98% la “concorde civile”, puis le référendum de 2005 approuvant la… paix et la “réconciliation nationale” à plus de 82%. Il y aura, le moment venu, le référendum qui approuvera, dans un pourcentage convenable, l'amnistie générale. Enfin… l'amnistie totale. Car, elle ne peut être générale puisqu'elle ne concerne que ceux qui ont assassiné pour terroriser. Elle est pour ceux-là, et elle ne fait que compléter l'amnistie dont ils ont bénéficié par deux référendums successifs. L'impunité, la protection et l'argent, ça ne suffit plus. Les terroristes doivent recouvrer leurs droits civiques et politiques. Et s'ils se sont manifestés tout au long de la campagne pour le troisième mandat, c'est pour rappeler que la mise en œuvre de l'accord signé avec le pouvoir n'est peut-être pas achevée. Madani Mazrag n'a probablement rien voulu dire que cela : on peut chahuter votre slogan de “la paix revenue”. Plus troublant encore, cette autre condition posée par Bouteflika à Tamanrasset : “Pas d'amnistie générale avant le dépôt des armes.” Voulait-il dire que l'amnistie interviendrait quand le dernier terroriste aura déposé les armes ou bien y aurait-il des repentis qui n'ont pas déposé les armes ? Maintenant que le thème de l'amnistie totale a été introduit, il faudrait s'attendre à ce qu'il soit ressorti, quand le moment viendra, pour subir sa cure d'acclimatation culturelle, avant que nous n'allions le plébisciter comme de bien entendu. Toutes les propositions référendaires étant salutaires pour la paix et la prospérité de la nation, il n'y aura que quelques traîtres pour appeler à l'abstention. Sans effet sur la volonté populaire. Et petit tour de passe-passe sur le mode de “la poule et l'œuf”, “pas d'amnistie générale sans référendum” deviendra “référendum pour l'amnistie générale”. M. H.