Sans surprise, le président Abdelaziz Bouteflika a été réélu à une écrasante majorité. Il a obtenu un score de mammouth électoral qui a écrasé tout sur son passage. Il voulait un large plébiscite, il l'a obtenu. Son score et le taux de participation sont mêmes supérieurs à ceux de l'élection de 2004. S'emparant des résultats, notamment des écarts ahurissants le séparant de ses adversaires, les sceptiques de tout poil peuvent, à bon droit, douter de la pleine loyauté d'un scrutin générateur de scores de maréchal. Toutefois, ces incrédules peuvent bien douter, présumer, supposer, soupçonner, échafauder des hypothèses et se perdre en conjectures. Mais sans l'administration d'un début de commencement d'une esquisse de preuve de l'existence d'une fraude significative, ces sceptiques risqueraient d'avoir de bien douloureuses céphalées. Mais qu'importent finalement ces chiffres prodigieux. L'essentiel, c'est la responsabilité politique qu'implique une réélection aussi triomphale. En effet, le score de 90,24% porte en lui l'énorme charge de la responsabilité politique incombant à un président ainsi réélu. C'est le pourcentage de la responsabilité historique ! M. Abdelaziz Bouteflika n'ignore sans doute pas que le poids de la responsabilité, la sienne, est proportionnel au degré de confiance placée en lui. Il a donc bien du souci à se faire car l'attente des Algériens est immense. «Sois lion et dévores-nous». Les 12 911 705 électeurs qui l'ont réélu semblent avoir repris à leur compte cette formule populaire incitant à relever un challenge. A n'en pas douter, leur vote est à la fois un vote d'adhésion et l'expression d'un défi. Et il est gigantesque ! Avec 90,24%, Abdelaziz Bouteflika est désormais un «quatre quart» de président, un chef de l'Etat souverain qui a les coudées franches et tous les leviers de commande entre les mains. Jamais dans l'histoire de l'Algérie indépendante, un chef d'Etat n'aura bénéficié d'une situation aussi favorable, d'un état de grâce parfait. Il jouit en même temps du consensus le plus fort au sein du régime, du soutien d'une large coalition politique regroupant deux courants politiques majeurs, de l'appui d'une centrale syndicale dominante, d'un vaste réseau associatif et des organisations patronales. S'y ajoute l'engagement entier de l'administration et de l'ensemble des démembrements civils et militaires de l'Etat. Et, bien sûr, encore plus important, le plébiscite électoral. Riche de ses divers soutiens, le président Abdelaziz Bouteflika bénéficie également de conditions économiques et financières extrêmement confortables : les indicateurs macro et microéconomiques sont tous au vert ; les réserves en devises du pays feraient pâlir d'envie Crésus et saliver les quarante voleurs d'Ali Baba ! Le front social est généralement calme, sauf lorsqu'il est secoué par des jacqueries localisées dans le temps et dans l'espace. Le terrorisme, fort heureusement, ne déploie plus une capacité de nuisance importante, se limitant à des opérations limitées et intermittentes. Sur la scène internationale, tous les partenaires de l'Algérie s'empresseront de lui exprimer leur soutien, realpolitik et argent des hydrocarbures obligent. Que fera donc de son troisième mandat un président de la République maître de tout sauf du temps qui lui sera compté ? Dès l'annonce du résultat officiel de sa réélection, il a lui-même affirmé qu'il est «motivé au plus haut point» pour réaliser ses promesses électorales. Pour mettre en œuvre ses chantiers de réformes et faire de l'Algérie «un pays fort». Question subsidiaire : avec qui lancera-t-il les vastes chantiers de la réforme qui doit concerner l'ensemble des secteurs d'activité du pays ? Si c'est avec les mêmes visages et les mêmes clientèles qui confondent servir et se servir, dévouement et dévoiement, loyauté et servilité, le troisième mandat serait, à Dieu ne plaise, celui de la louche avide dans la marmite de la rente pétrolière. L'Algérie, pays jeune à souhait, qui a confiance en son chef d'Etat, n'en veut plus. C'est le sens même du vote du 9 avril 2009. N. K.