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Le courtier britannique qui a sauvé Sonatrach
UIB jouit d'une place prépondérante dans le secteur des assurances en Algérie
Publié dans Liberté le 13 - 04 - 2009

Comment Mounir Kabbane, propriétaire d'une société de courtage à la City, a réussi à convaincre le marché de Londres des assurances et de la réassurance à offrir une couverture aux installations énergétiques algériennes, au moment où le GIA menaçait de les faire exploser ? Témoignage.
L'argent rime rarement avec les sentiments. Mais dans le cas de Mounir Kabbane, il semble même qu'il ait un cœur, un drapeau. Au début des années 1990, ce courtier de la Lloyds, plus grande Bourse des assurances et de la réassurance dans le monde, a réussi à effectuer un placement sur le marché de Londres, couvrant un ensemble d'entreprises algériennes d'envergure, dont Sonatrach. La performance avait ceci de particulier. Elle était réalisée alors que les partenaires traditionnels du pays dans le domaine l'abandonnaient, alarmés par la déferlante terroriste, un trop gros risque qu'aucun ne voulait prendre. Face aux menaces du GIA qui envisageait de s'attaquer aux sites économiques névralgiques dont les raffineries et les gazoducs, des compagnies comme Sonatrach et Sonelgaz se retrouvaient complètement démunies. D'autres à l'instar de la Société nationale des chemins de fer (SNTF) ou des entreprises aéroportuaires avaient déjà expérimenté les tentatives d'attaques dévastatrices des groupes armés. “Les gens sont partis pour des raisons sécuritaires. Des installations étaient ciblées par des tentatives de sabotage”, explique aujourd'hui Mounir Kabbane. À la tête de United Insurrance Broker (UIB), une société de courtage prospère ayant des ramifications dans 110 pays, il aurait pu se détourner de l'Algérie et faire l'économie d'une transaction périlleuse. Mais, le pays lui doit une dette qu'il veut absolument honorer. C'est à Alger que ce Palestino-Libanais, natif de Jérusalem, avait trouvé refuge avec sa famille, il y a plusieurs décennies. Dans son bureau de Mansell Street, situé à proximité des bureaux de la Lloyds et à quelques encablures du quartier d'affaires de la City, il garde une copie de la thèse de doctorat qu'il a soutenue dans les années 1970 à la faculté de droit de Ben Aknoun, où il a effectué l'ensemble de son cursus universitaire. “L'Algérie est restée dans mon cœur. Elle porte tant d'espoirs”, confie le patron d'UIB. Récemment, il a fait appel aux services de Ali Belamri, un ancien responsable de la Compagnie centrale de la réassurance (CCR) et l'a désigné directeur régional chargé de l'Afrique du Nord. Le Maghreb figure parmi l'une des zones d'intervention de l'UIB. Les autres marchés se répartissent entre deux autres pays du continent noir, l'Afrique du Sud et le Nigeria, ainsi que l'Europe, l'Amérique latine, le Golfe et le Sud asiatique. “Nous sommes présents physiquement dans une quinzaine de pays”, s'enorgueillit Mounir Kabbane.
Le tout dernier bureau de l'UIB a ouvert ses portes au Brésil. En Algérie, cependant, ce genre d'expansion est en butte à la législation locale qui interdit encore l'arrivée et l'installation des courtiers étrangers. À chaque fois que l'occasion lui est offerte, M. Kabbane ne manque pas d'interpeller les responsables algériens sur la persistance de cette entrave. Au cours d'une conférence sur les opportunités d'investissement dans notre pays, tenue à Londres en novembre dernier, en présence de Hamid Temmar, ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, il a exposé à nouveau le problème. “ça viendra”, prédit néanmoins le courtier, conscient de l'inéluctabilité d'une telle démarche dans le cadre du processus de libéralisation de l'activité économique dans le pays. En attendant, l'absence d'un bureau local n'empêche pas l'UIB d'avoir une prise sur le marché algérien des assurances, à travers des compagnies locales comme la Caar (Compagnie algérienne d'assurance et de réassurance) et la Cash (Compagnie d'assurance dans le domaine des hydrocarbures dont Sonatrach détient 50% du capital). L'aventure a commencé au moment où l'Algérie était mise sous embargo par les puissances occidentales. Les caisses étaient vides et le terrorisme islamiste menaçait d'anéantir les institutions de l'Etat et de briser la machine économique. M. Kabbane se souvient avoir été une fois avec ses collaborateurs les seuls étrangers séjournant à l'hôtel Sofitel. Les missions d'expertise s'avéraient de véritables expéditions, tant le danger était élevé. Mais au-delà des menaces d'attentat, le risque consistait en fin de compte à faillir à convaincre le marché londonien de la viabilité des installations, en quête de couverture. “Nous avons dû faire beaucoup de lobbying”, révèle Mounir Kabbane. Ses arguments consistaient à dire que les sites étaient bien gardés et protégés. La parade était trouvée en faisant figurer le risque de sabotage terroriste au chapitre incendie. Grâce à cet artifice, Sonatrach, Naftec, l'Entreprise nationale de pétrochimie (ENP), Sonelgaz, Asmidal et la Société nationale de sidérurgie (SNS) avaient obtenu une couverture pour leurs infrastructures à des prix compétitifs. “Toutes ces entreprises sont dirigées vers l'exportation. Le moindre incident les ayant touchées aurait affecté sérieusement l'économie algérienne”, observe le premier responsable de l'UIB. Avec le sentiment du devoir accompli, il pense avoir été du côté de l'Algérie dans les moments les plus difficiles. Dans les cercles diplomatiques algériens à Londres, son attachement à notre pays est salué au plus haut niveau. S'improvisant avocat de la présence économique étrangère en Algérie, l'ancien doctorant de la fac de Ben Aknoun martèle cette conviction à chaque fois que l'occasion lui est donnée, axant sa plaidoirie sur la promotion des investissements impliquant le transfert de la technologie et du savoir-faire. En 2006, au cours d'entretiens économiques algéro-britanniques, le président Bouteflika — en visite d'Etat au Royaume-Uni — lui avait fait remarquer avec un brin de reconnaissance que sa place se trouvait normalement à côté de la délégation algérienne. Aujourd'hui, même si l'UIB reste un partenaire privilégié, d'autres intermédiaires ont investi le marché algérien des assurances, à la fois réconfortés par le déclin du terrorisme et appâtés par des taux de croissance très enviables. Avant la dévaluation du dinar et l'émergence de titans comme Dubaï, l'Algérie figurait comme le plus grand marché arabe des assurances. Mais ceci est une autre histoire…
S. L.-K.


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