Les élections nationales en Inde se tiendront en cinq phases. Le premier round, ce jeudi, les élections suivantes le 23 avril, le 30 avril, le 7 mai et le 13 mai. Le dépouillement des bulletins de vote aura lieu le 16 mai. C'est complexe mais l'Inde n'est pas un pays anodin. Un continent avec plus d'un cinquième de la population mondiale. Un pays de contrastes dans une économie émergente, voire de pointe dans certains secteurs qui cohabite avec des pans entiers de misère et de conservatisme. La compétition est serrée entre les deux grands partis : l'historique Parti du Congrès qui mise sur son Premier ministre sortant, Manmohan Singh, alors que le BJP (parti nationaliste hindou) espère voir Lal Krishna Advani, vétéran controversé du paysage politique indien, à la tête du pays en juin prochain. Le Premier ministre et le chef de l'opposition au Parlement ont tout de même des choses en commun : l'âge avancé (octogénaires), leur naissance au Pakistan avant la partition de 1947 et un rôle majeur au sein des deux plus grandes formations politiques indiennes. Par contre, leurs caractères et leurs parcours sont très différents. Lal Krishna Advani est l'image même du sectarisme hindou. Leader emblématique de la frange dure du BJP (Bharatiya Janata Party) dont il est membre depuis soixante ans. Le BJP, c'est la formation qui est entrée en guerre ouverte contre les musulmans hindous. Durant sa campagne électorale, Lal Krishna Advani tente de se défaire de son image de xénophobe et d'islamophobe afin d'apparaître comme un candidat crédible pour diriger le pays. De son côté, Manmohan Singh est souvent décrit comme un bureaucrate consciencieux et insipide. L'antithèse du politicien indien. Economiste de formation, il a fait ses études à Cambridge, en Angleterre, avant de travailler pour le FMI et l'ONU. Et, contrairement, à son rival du BJP, Singh n'a fait son entrée en politique qu'en 1991 sur le tard, en rejoignant le gouvernement de Narsimha Rao en tant que ministre des Finances. Candidat malheureux aux élections de 1999 lorsqu'il se présente dans la circonscription du sud de Delhi, il est nommé Premier ministre, contre toute attente, lorsque le Parti du Congrès revient au pouvoir en 2004. Considéré au départ comme une marionnette, à la botte de Sonia Gandhi, chef du parti et “héritière” de la dynastie Nehru Gandhi, Manmohan Singh a prouvé son efficacité, notamment lors de l'entrée de l'Inde dans la cour des puissances économiques au sein du G20. Son handicap, l'absence de charisme. Il ne soulève pas les foules dans un continent où la politique est affaire de grands-messes populaires. Un défaut qu'on ne peut reprocher à son adversaire qui ne se prive pas de tirer à boulets rouges sur l'actuel chef du gouvernement, le qualifiant de “plus faible Premier ministre que l'Inde ait connu”. Manmohan Singh a réagi en rappelant le rôle du BJP dans la destruction de la mosquée Babri par des activistes hindous en 1992 et le massacre au Gajurat en 2002 lorsque Advani était ministre de l'Intérieur. Advani voulait construire sur les ruines de la plus grande mosquée d'Inde un temple dédié au dieu Ram. Il tente de se défaire de sa réputation d'antimusulman, allant jusqu'à braver ses militants du BJP en se rendant, il y a deux ans, au Pakistan pour se recueillir sur la tombe du père de la nation pakistanaise, Muhammad Ali Jinnah. À la veille du début du scrutin qui va se jouer avant tout sur les alliances de partis et le nombre de sièges au Parlement qui en résulteront, il reste difficile de dire qui du sulfureux Advani ou de l'impassible Singh fera la différence. Ah oui, l'Inde est toujours qualifiée de plus grande démocratie dans le monde ! D. Bouatta