Pour que le citoyen lambda puisse retrouver du poisson dans son assiette, et ce n'est pas demain la veille, il importe d'en finir avec le bricolage, à travers la mise en place d'une politique audacieuse et rationnelle. À défaut de nourrir le citoyen, dont il a toujours été un aliment de base, le poisson nourrit ces derniers temps copieusement les discussions. Il est la guest-star des conversations, il est sur toutes les lèvres, à défaut d'être dans toutes les bouches. En cause, son prix qui a connu une envolée vertigineuse, qui plonge dans les abysses de la tourmente la ménagère. De 100 dinars le prix généralement affiché dans les poissonneries pendant de longues années, il grimpe brusquement à 350 dinars. Un vrai poisson volant ! Le paradoxe est tout de même dramatique pour un pays qui a 1 200 km de côte réputée pour son potentiel halieutique riche et diversifié. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi la vulgaire sardine, aliment du pauvre par excellence, se négocie aujourd'hui au prix de la crevette ? Poser une telle question revient en fait à poser le diagnostic d'un secteur à la dérive. En effet, les pouvoirs publics, plus enclins à lorgner les champs pétroliers du sud du pays, n'ont jamais jugé utile d'investir de l'argent et de l'imagination dans ce segment d'activité qui se caractérise aujourd'hui par une désorganisation patente. Le fait que des ministres, qui n'ont rien à voir avec la pêche et la mer de façon générale, soient portés à la tête de ce secteur, témoigne de cette négligence pour le moins coupable. Pour que le citoyen lambda puisse retrouver du poisson dans son assiette, et ce n'est pas demain la veille, il importe d'en finir avec le bricolage, à travers la mise en place d'une politique audacieuse et rationnelle. Bien sûr qu'il faut se débarrasser des spéculateurs et autres intermédiaires qui agissent sur les prix. Mais la réorganisation de ce secteur devrait aller au-delà de cette mesure qui a besoin d'être conjuguée à la promotion de l'aquaculture, à la réhabilitation des halles, à l'octroi de crédits pour permettre aux pêcheurs de se doter d'un matériel performant. Le président Bouteflika, qui va étrenner son troisième mandat, doit, au moment de la formation de son gouvernement, penser à mettre à la tête de ce secteur un homme en capacité de le renflouer, pour que la sardine cesse d'être un produit de luxe. O. O.