Huit ans et demi après avoir déserté les aéroports du pays, Air France revient en Algérie. Un Airbus de la compagnie aérienne française s'est posé, hier, sur le tarmac de l'aéroport Houari-Boumediene, là même où les passagers d'un appareil semblable ont été pris en otages, en décembre 1994. Le retour d'Air France en Algérie, annoncé par le président français, Jacques Chirac, lors de son voyage dans le pays, en mars dernier, marque inévitablement un point de départ dans l'amélioration des échanges entre les deux pays. Rien de plus. Car la symbolique, comme le voulaient les officiels des deux Etats, n'accompagnera pas le retour des avions tricolors. Les huit ans et demi d'absence, de tractations, de chantage et de revirement de la part des pouvoirs publics français et de leur compagnie fétiche, Air France, se sont transformés, dans le cas algérien, en un cartel politique qui sanctionne ou un baromètre capable, à lui seul, de décider du “risque pays”. C'est sur ce comportement que se sont alignés hommes d'affaires et investisseurs français, au moment où d'autres, Américains ou Italiens, prenaient le chemin inverse. Il aura fallu huit ans de doute et d'exigence pour que les Français obtiennent les garanties de sécurité qui demeurent secrètes. Et entre-temps, le pays aura réussi à briser son isolement international. Tant de paramètres qui font du retour d'Air France en Algérie un acte plutôt politique et diplomatique. Côté commercial ? Trop tôt peut-être pour mesurer l'impact de cette reprise, notamment du côté de la communauté algérienne vivant en France. Il faut dire que pendant l'absence d'Air France, les résidents algériens en France ont appris à faire “avec”. Et faire “avec” pour le million et demi de voyageurs entre les deux capitales signifie la présence d'Air Algérie. Et hier encore, au moment où le ministre français des Transports prenait place sur le vol “inaugural” beaucoup d'Algériens ignoraient encore “l'évènement”. “Je ne savais même pas qu'Air France allait reprendre sa desserte vers le pays. Pendant des années, et même avant la suspension de ses vols, on avait l'habitude d'Air Algérie, avec tous les problèmes et la misère qu'on nous fait subir”, dit Kamel, la quarantaine passé, commerçant à Paris. Ces derniers jours, le siège de l'agence principale d'Air Algérie à Paris ne désemplissait pas, même si la compagnie affiche “complet” sur tous ses vols jusqu'à la fin août. Farid, un informaticien de 35 ans, attendait ce retour d'Air France : “J'avais l'habitude de prendre les vols d'Air France, avant la prise d'otages par les terroristes. Au fait, je prenais les vols qui me convenaient quelle que soit la compagnie, mais depuis 5 années, on a acquis un peu le “réflexe” Air Algérie”. Et aujourd'hui ? “Cela ne changera rien à mes habitudes sauf que...”. Sauf que le retour d'Air France, même s'il parvient, avec les deux vols quotidiens de Paris vers Alger, à alléger “l'excédent” de voyageurs que connaît Air Algérie, risque d'avoir d'autres inconvénients. Pour un retour, Air France propose une panoplie de promotions et de prix, il faut dire que les tarifs sont chers. Hakim, un salarié de 36 ans, l'a découvert étonné. “Je voulais partir en Algérie au début du mois d'août. Et comme tout est complet sur Air Algérie, on m'a dit de voir avec Air France...”, explique notre interlocuteur qui ne comprend pas pourquoi Air France a doublé ses tarifs, “pour un aller-retour du 4 au 30 août on m'a dit de payer 916 euros, presque 10 000 francs et le double du billet sur Air Algérie”. Une visite sur le site internet d'Air France nous l'a confirmé. Le tarif le moins cher est de 474 euros pour un billet aller-retour, mais les places dans cette catégorie sont très peu et s'épuisent rapidement. L'on passera alors du simple au double. Mais au-delà de ces motifs, nombre d'Algériens estiment qu'Air France est revenue beaucoup plus pour satisfaire une demande française et que tout ou presque est fait pour que les voyageurs algériens restent chez Air Algérie. Des mesures de contrôle draconiennes aux prix appliqués, Air France n'est pas vraiment revenue… du moins de l'avis des Algériens de France. H. B.