Les pouvoirs publics ne semblent pas prendre conscience que les dépenses de l'Etat sont en train d'exploser sans que les perspectives de compensation en termes de recettes fiscales ne soient claires, en contexte de chute des prix du pétrole. Les répercussions de la crise financière sur l'Algérie ont été plus sensibles le 1er trimestre 2009. En effet, en raison de la chute des prix du pétrole due aux effets de la tempête financière mondiale, les recettes de l'Algérie ont baissé de 42% et l'excédent de la balance commerciale ne s'élève qu'à 1 milliard de dollars, augurant un probable déficit de la balance des paiements en 2009. En ce sens, le ministre des Finances, interrogé récemment par l'envoyé spécial de l'APS à Washington sur l'impact de la crise sur l'Algérie, a reconnu qu'il y a un risque de déficit de la balance des paiements. En fait, cette réponse présuppose que le léger excédent commercial réalisé ne pourra compenser le trou engendré par les énormes transferts de devises liées au rapatriement des sociétés étrangères (transferts des compagnies pétrolières au titre du profit oil et des sociétés étrangères liés à leurs contrats de réalisation d'infrastructures ou de services). À moins d'une remontée des prix du pétrole ou d'une baisse des importations. Ces transferts de devises sont en forte hausse en dépit des mesures arrêtées pour les freiner (amendement à la loi sur les hydrocarbures, nouvelle taxation sur les bénéfices transférés). On estime entre 7 et 11 milliards de dollars ces sorties de devises en 2009. Cela avoisine le service de la dette de l'Algérie vers la fin des années 1980 et le début des années 1990 dont le niveau avait conduit le pays à la cessation de paiement en 1993, avait observé l'économiste Abdelatif Benachenhou. Pressions sur le budget de l'Etat L'ancien ministre des Finances a également pointé du doigt l'inquiétante progression des importations. Elles ont connu une croissance de 10% les trois premiers mois de l'année en cours. À ce rythme, elles dépasseront les 40 milliards de dollars l'année en cours, soit un niveau jamais atteint, en dépit des mesures arrêtées pour freiner la facture alimentaire, celle des médicaments et des véhicules. Autre conséquence de la crise : le FMI ne prévoit que 2% de croissance pour l'Algérie en 2009, contre plus de 4% en 2008 (plus de 6% hors hydrocarbures). La progression de la richesse nationale serait divisée par deux. Dans ce scénario, on serait loin des 7% de croissance minimum durable pour inverser la tendance en matière de chômage, particulièrement hyper important chez les jeunes. Si la crise se prolonge au-delà de 2011, les pressions sur le budget de l'Etat seront telles que l'Etat devra se résoudre à une révision à la baisse des dépenses publiques, à un gel de certains grands projets. À moins de vouloir faire fondre les réserves de change et les fonds accumulés dans la Caisse de régulation, au risque de ne pas garantir la sécurité financière du pays. La gymnastique des arbitrages sera alors plus difficile. En tout état de cause, les pouvoirs publics ne semblent pas prendre conscience que les dépenses de l'Etat sont en train d'exploser sans que les perspectives en termes de compensation via les recettes fiscales ne soient claires, en contexte de chute des prix du pétrole. Bien que moins touchée par la crise, l'économie nationale aura révélé durant cette période de récession mondiale sa grande fragilité : son hyper dépendance à l'égard des fluctuations du brut. Ce qui veut dire que le chantier de diversification de ses revenus connaît un grand retard. En d'autres termes, elle aura démontré que sa santé financière reste fragile, faute d'avoir rompu avec l'économie rentière. En somme, l'Algérie a été relativement épargnée par la crise grâce à de puissants amortisseurs : ses réserves de change lui permettant de couvrir plus de trois ans d'importations et une manne déposée au sein du Fonds de régulation susceptible d'éponger les déficits budgétaires pendant au moins deux ans. Mais il reste un long chemin à faire pour que l'Algérie recouvre une réelle solidité financière. Qu'on ne se leurre pas : si les efforts ne tendent pas tous azimuts vers cette diversification de l'économie, on ira tout droit vers une dangereuse dégradation de la situation sociale. K. Remouche