“Si culturellement quelqu'un qui rend service peut être considéré comme un corrupteur, socialement, il ne l'est pas du tout, bien au contraire : la prédation au profit des autres est valorisée, mais prélever un avantage pour soi-même est réprouvé”, affirme dans son intervention Rachid Sidi Boumediène, pour qui “l'urbanisme constitue une prédation institutionnalisée”. Le conférencier, citant l'exemple de l'attribution du foncier, affirme que “si au départ les lots de terrain à bâtir étaient octroyés légalement par le P/APC, par la suite, malgré la mise en place d'agences foncières, les P/APC ont continué à le faire indûment. Il s'agit en fait de constituer des clientèles locales afin de fidéliser, de les domestiquer que le P/APC continue de distribuer des lots en violation de la loi. Même chose pour les constructions illicites qui constituent un système de régulation sociale et étatique”, basé sur le principe du “vivre et laisser vivre”. L'Etat s'octroie le droit de sanctionner ou non, et donc obtient la paix sociale. Durant les années 1970-80, les lots étaient cédés par l'Etat aux particuliers à des prix administrés. Après attribution par le P/APC, le wali, etc. ce n'est qu'au moment de la vente qu'on connaîtra la valeur réelle du bien, lot de terrain ou logement. Si des millions de logements ont été cédés aux particuliers dans des cités, à peine 1 million d'appartements donnant sur des grandes avenues des grandes cités, ont été vendus à des prix symboliques parce que considérés ou classés vieux bâti ! Si les F3 payés 20 millions de centimes peuvent être revendus 300 millions, les vieux appartements ne seront pas cédés à moins de 5 ou 6 milliards ! L'ensemble des lois de cession des biens fonciers prouve qu'il s'agit d'un instrument de prédation. Citons le cas de Boumerdès qui était censé servir à reloger les habitants des bidonvilles, alors que la wilaya de Tipasa était considérée comme wilaya touristique et Blida comme une région agricole. Un décret paru en 1982-83 classifie les zones et en donne la tarification, différenciant les agglomérations centrales, des secondaires et des rurales. Aux environs d'Alger, il y a eu Baba-Hassen, El-Achour, Chéraga (etc.) qui sont devenues très rapidement des zones où le terrain a pris de la valeur en quelques années. Le terrain agricole vendu à des prix ridiculement bas a fini par acquérir une importante plus-value. Le conférencier cite Djilali Liabès qui parlait “d'archaïsation de l'Etat, grâce aux réseaux qui se sont appropriés l'Etat à partir de la légitimité historique”. Selon Sidi Boumediène, “la corruption procède d'une forme de régulation destinée à rendre plus dociles les plus réfractaires. Elle finit par réaliser la destruction de l'appareil productif. L'Etat n'a pas pu ou voulu se dégager du foncier et des hydrocarbures. Avec la mondialisation, les Etats arabes sont obligés de sauvegarder leurs intérêts et de montrer en même temps patte blanche aux maîtres du monde, en donnant des gages de démocratie afin de sauvegarder leur avenir et ne pas être incriminés par le TPI”. La prédation continuera à régner en attendant la découverte d'un équivalent destiné à réajuster les relations socioéconomiques car, selon le conférencier, le système de prédation veille à ce que chacun ait sa place et connaisse ses limites dans le partage de la rente. En ce qui concerne “la naissance d'une nouvelle forme d'urbanisme, il ne s'agirait en réalité que d'un miroir aux alouettes”, selon Sidi Boumediène qui cite en exemple le projet émirati entre autres projets en affirmant que “pas un seul de ces projets n'est productif ou créateur de richesses. Ces projets sont destinés à donner de l'Algérie une image internationale de modernité. Et alors que le plan d'urbanisme d'Alger est encore au stade de l'étude, des dérogations sont accordées. On passe donc au stade de l'urbanisme dérogatoire, grâce à l'urbanisme de projets. Le Schéma de développement des agglomérations urbaines pour Alger (SDAM) n'est pas achevé et reste dans l'imprécision. Des zones grises demeurent et sont laissées à la discrétion des décideurs. Ainsi, s'agissant de wilayas déléguées, le wali devient de facto ministre plénipotentiaire, le wali délégué wali exécutif, alors que les élus locaux perdent encore plus de leurs prérogatives. La régulation sociale est de plus en plus dévolue à l'Etat !” D. Z.