Le président pakistanais Asif Ali Zardari sera demain à Washington où il rencontrera son homologue américain Barack Obama. Le dossier de la sécurité nucléaire pakistanaise, au vu de l'insurrection des talibans qui marque des points et enregistre des succès, sera au menu des discussions entre les deux chefs d'Etat. L'inquiétude des Etats-Unis et de la communauté internationale est grandissante à ce sujet, malgré les déclarations rassurantes de M. Zardari, qui a récemment affirmé que “les capacités nucléaires du Pakistan sont entre de bonnes mains”. Le président Obama, lui, a déclaré vouloir respecter la souveraineté du Pakistan, mais il reconnaît que l'Amérique a “d'énormes intérêts stratégiques, en matière de sécurité nationale, dans le fait de s'assurer que ce pays est stable” et ne risque pas de se transformer en “un Etat militant doté de l'arme nucléaire”. Cette crainte n'est pas le propre des Etats-Unis et des pays occidentaux. Elle est aussi partagée au sein de l'opinion locale et par certains responsables pakistanais, à l'image de Benazir Bhutto qui, avant son assassinat en 2007, pensait qu'El-Qaïda pourrait détourner des armes nucléaires si les talibans ne sont pas neutralisés. Des systèmes de sécurité très sévères ont été mis en place pour protéger les quelque soixante ogives nucléaires dont dispose le Pakistan, assurent les autorités. Un ancien cadre d'une agence américaine de non-prolifération nucléaire s'est également voulu rassurant en affirmant que “ceux qui sont responsables de ces armes sont dévoués et professionnels”. Mais la scène politique pakistanaise et la situation sécuritaire étant ce qu'elles sont, une menace liée à de possibles sympathies pour les extrémistes islamistes au sein de l'appareil de sécurité n'est pas exclue. L'ancien responsable du renseignement américain, Rolf Mowatt-Larssen, a même déclaré que de tels liens peuvent exister, y compris entre les autorités nucléaires et le mouvement insurrectionnel islamiste. L'armée pakistanaise, bien que “sérieuse et disciplinée”, selon un ancien membre de la CIA en poste à Islamabad, certains de ses éléments peuvent avoir “de (la) sympathie pour les objectifs, voire les méthodes” des extrémistes religieux. Il est quasi certain que l'Iran et la Corée du Nord ont acquis leur savoir-faire nucléaire auprès du père de la bombe atomique pakistanaise, A. Q. Khan, placé en résidence surveillée pendant quatre ans, avant d'être libéré il y a quelques mois. Sur le même chapitre, mais beaucoup plus grave, des agences de renseignement occidentales affirment que deux physiciens en retraite, ayant fait partie du programme nucléaire pakistanais, auraient rencontré Oussama ben Laden avant les attentats du 11 septembre et lui auraient fait des propositions. Ce qui inquiète par-dessus tout Washington et les capitales occidentales, c'est l'incapacité ou l'absence de volonté du gouvernement pakistanais à définir une stratégie ferme et cohérente pour contenir, puis neutraliser l'insurrection talibane. Les négociations qu'il a menées le mois de février dernier avec les chefs talibans, à l'issue desquelles ces derniers ont obtenu d'appliquer la charia islamique dans la région du Swat en contrepartie de l'arrêt de l'offensive armée, ont été qualifiées d'abdication, ou encore d'erreur stratégique, par certains responsables occidentaux. En effet, loin de les calmer, cette concession politique majeure a aiguisé l'appétit des chefs talibans qui se sont aussitôt emparés du district voisin de Buner. Violant les termes de l'accord “Paix contre Charia”, ils ont progressivement imposé leur diktat sur l'ensemble sur l'ensemble de la vallée où ils ont détruit 200 écoles pour filles, après avoir tué et décapité plusieurs responsables politiques, des militaires, des policiers, des opposants et des artistes. L'armée a été contrainte d'intervenir de nouveau, mais, parallèlement, des négociations sont entreprises en vue d'un nouvel accord, probablement le même que celui qui a valu pour le district de Swat. Demain, le président Zardari devra convaincre Washington qu'il suit la bonne voie, s'il veut obtenir les aides financières et militaires qu'il sollicitera. Le moins qu'on puisse dire est que la tâche sera ardue pour lui.