La situation n'est pas maîtrisée. Le ministre de la Santé, M. Aberkane, était, hier, à Oran, pour la deuxième fois en l'espace de dix jours, alors même qu'un nouveau cas de peste bubonique s'est déclaré durant le week-end, dans la wilaya de Aïn Témouchent. Devant les journalistes, le ministre reconnaîtra l'existence d'un deuxième foyer de peste après celui de Kehaïlia. Ce qui prouve que la situation sanitaire n'est pas maîtrisée, contrairement à ce que ne cessent de répéter les pouvoirs publics. D'ailleurs, le ministre aura cette phrase : “La peste n'a pas de frontières !…” Ce qui n'est pas pour rassurer les citoyens, notamment dans les zones rurales où les populations sont très marginalisées. Le dernier cas de peste est celui d'un homme de 58 ans habitant un domaine agricole dénommé la ferme Belhadef. Le ministre dira, comme pour apporter un semblant d'explication à l'apparition de ce deuxième foyer, que “géographiquement, cette ferme n'est pas, à vol d'oiseau, très éloignée de Kehaïlia…”. Pour le ministre, qui considère ces cas de peste bubonique comme “des indicateurs”, il s'agit de déterminer s'il n'en existe pas ailleurs dans le reste du pays. Et d'ajouter : “Selon les déclarations de l'OMS, il existe des foyers de peste selvatique, c'est-à-dire animale, à nos frontières de l'ouest : le Maroc, la Mauritanie, mais également à l'est avec la Libye…” Ainsi, si la menace est bien réelle pour l'Ouest du pays avec désormais une vigilance régionale qui va être adoptée (voir l'article sur la rencontre des 8 walis de l'Ouest), M. Aberkane annonce que les efforts sont certes concentrés sur l'Ouest, mais il va falloir aller vers “un état de vigilance global, à l'échelle de tout le pays…”. Pour l'heure, le ministre n'envisage pas de mettre la ferme Belhadef en quarantaine car cela ne s'impose pas puisque l'on se trouve toujours devant un cas de peste bubonique. Pour Kehaïlia, “c'est par précaution que nous avons agi ainsi, alors que l'on ne connaissait pas encore quel type de peste nous avions”. Interrogé sur les opérations de désinsectisation et dératisation, le ministre laissera entendre que la dératisation s'est faite dans la précipitation : “J'ai donné des instructions pour qu'aucune dératisation ne s'effectue sans notre aval et surtout avant que ne soit menée auparavant la désinsectisation, car une fois le rat mort, la puce porteuse du bacille de Yersin va chercher un autre hôte…”. Il ajoutera qu'“il n'y a que les institutions spécialisées qui sont habilitées à faire ce type d'opérations”. Pour la radio nationale, le ministre sera plus explicite sur ce point puisqu'il déclarera que c'est l'hypothèse : une dératisation anarchique et non contrôlée qui pourrait expliquer les 3 cas recensés en dehors de Kehaïlia, ce qui n'est pas un bon point pour les autorités locales. Quant à connaître les causes exactes de l'apparition des deux foyers de peste, M. Aberkane dira que cela est très lié à la qualité du milieu. L'autre information donnée par l'orateur se résume aux premiers résultats fournis par les entomologistes qui ont capturé 15 rats. Il s'est avéré que 3 rats disséqués étaient bien porteurs du bacille de Yersin et donc sont bien le réservoir de cette peste. Avant de terminer ce point de presse, le ministre ne manquera pas de demander aux journalistes de ne pas provoquer de panique et d'éviter les amalgames et cela, alors même que les journalistes dénonçaient la rétention sur l'information imposée à Oran. F. B. 4 experts de l'OMS en renfort Dans son point de presse, le ministre de la Santé a annoncé l'arrivée, aujourd'hui, de 4 experts de l'OMS. Il s'agit de spécialistes en bactériologie, une vétérinaire d'origine algérienne, un entomologiste originaire du Kazakhstan où les foyers de peste existent de façon endémique et un médecin de santé publique. C'est à la demande du ministère que seraient venus ces quatre spécialistes, tiendra à préciser M. Aberkane comme pour dire que ce n'est pas pour pallier une insuffisance de notre part, mais “afin que l'on puisse profiter de leur expérience”. Un programme de travail sera préparé en concertation avec les spécialistes algériens et les représentants de l'OMS. Pour l'heure, aucune information ne nous a été donnée sur le rôle et l'action exacts que seront amenés à faire ces quatre experts. F. B.