“La situation est maîtrisée et toutes les mesures préventives sont prises pour éviter la propagation de la peste bubonique dans les wilayas de l'Ouest.” C'est ainsi que Abdelhamid Aberkane, ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, s'est exprimé lundi dernier devant la presse, à l'issue de la réunion qu'il a tenue avec les walis de cette région. À cette occasion, le représentant de l'exécutif a instamment prié les journalistes de ne pas faire dans l'alarmisme et susciter un mouvement de panique parmi la population. Au point où en sont les choses aujourd'hui, la médiatisation de ce nouveau drame qu'est la peste relève beaucoup plus d'une œuvre d'utilité publique que de la recherche du sensationnel. Pour cause, depuis la manifestation des premiers cas, les voix officielles sont à chaque fois contraintes de se rendre à l'évidence et confirmer la rumeur : la peste gagne du terrain. Hier, un nouveau cas, celui d'une fillette de trois ans, était enregistré dans une agglomération voisine de la localité de Kehaïlia, dans la banlieue d'Oran. Délivrée de la quarantaine depuis quelques jours, Kehaïlia est pourtant officiellement déclarée hors de danger. La situation, avaient encore soutenu les officiels, y est totalement maîtrisée. Si tel est réellement le cas, qu'est-ce qui explique ce regain de l'épidémie ? Car, finalement, il s'agit bien d'une épidémie et non de cas sporadiques comme veulent bien le faire croire les autorités sanitaires. Il y a dix jours, lorsque la peste a fait son apparition à Kehaïlia, M. Aberkane avait exclu tout risque de propagation épidémique. Rassurant, il avait indiqué que cette infection n'est pas une fatalité proprement algérienne et qu'elle touchait même des pays développés comme les Etats-Unis. Ne remettant guère en cause la faillite des systèmes de prévention, le ministre stigmatisera, en revanche, les autorités locales en les accusant de transformer les villes en vastes poubelles. Pauvres ou dispendieuses, les assemblées locales sont évidemment, en partie, responsables de la résurgence de maladies “honteuses” comme la peste, mais la faute ne leur incombe pas exclusivement. La santé de la population exige une implication intersectorielle sérieuse et efficace. Or, même en situation de crise, comme c'est le cas aujourd'hui, les pouvoirs publics continuent à se voiler la face en préconisant des solutions approximatives. Lors de son déplacement à Oran, M. Aberkane a préconisé le lancement d'une campagne de vigilance sur tout le territoire national afin de prévenir les risques d'une épidémie à grande échelle. En quoi consistera cette campagne ? Pour l'heure, il est demandé à toutes les personnes présentant un état fébrile de se présenter aux structures de santé. Est-ce de cette manière qu'on compte faire la chasse à la peste ? L'initiative semble si aléatoire ! Désarmées face au drame, les autorités ne savent quoi faire pour l'endiguer. Jusqu'à l'heure, des hypothèses seulement sont émises pour identifier les raisons de la pathologie. Selon la délégation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), séjournant actuellement à Oran, cette peste de type selvatique (animale) viendrait de nos frontières ouest. Reste à le vérifier. Pour l'heure, trois wilayas seulement — Oran, Aïn Témouchent et Mascara — étaient dans la zone rouge. On ne sait pas ce que nous réserve demain. Directeur de la prévention au ministère de la Santé, le professeur Grangaud craint que la peste, actuellement circonscrite dans des petits douars, gagne les grandes villes. “Ce sera une catastrophe”, a-t-il averti dans une émission radio. S. L.