Devant les échecs successifs de sa demande de réouverture des frontières algéro-marocaines, en raison de son refus de traiter de manière globale tous les contentieux en suspens entre les deux parties, le Maroc use de manœuvres pour mettre la pression sur Alger, comme cet appel des Marocains expulsés d'Algérie en 1975 à l'Union européenne pour une reconnaissance internationale de leurs cas. Faisant la sourde oreille aux propositions algériennes de résoudre l'ensemble des contentieux autour d'une table, en laissant le soin à l'Organisation des Nations unies de régler le conflit du Sahara occidental, le Makhzen persiste dans sa fuite en avant. Non seulement, il ne rate aucune occasion pour impliquer l'Algérie dans le dossier sahraoui, mais veut également obtenir des solutions uniquement à son avantage dans tous les dossiers en suspens. En effet, Rabat exige la réouverture sans conditions des frontières et l'indemnisation des Marocains expulsés d'Algérie en 1975, sans toutefois offrir quelque chose en contrepartie. Pour remettre au goût du jour cette affaire, les manœuvriers de Mohammed VI n'ont pas trouvé mieux que de vouloir l'internationaliser à travers l'appel lancé des Marocains expulsés d'Algérie à l'Union européenne pour une reconnaissance internationale de leur cas. Mieux, ils exigent excuses officielles de la part des autorités algériennes. Toute honte bue, les autorités marocaines encouragent cette initiative, alors qu'elles refusent que les Algériens spoliés de leurs terres et biens au Maroc, recouvrent leurs droits. Il faut dire qu'ils sont nombreux, car l'opération de spoliation a été entamée dés 1963, au lendemain de la “guerre des sables”, et s'est accentuée au début des années 70, avec l'apparition du conflit du Sahara occidental, sans oublier les quelque 70 000 Algériens, dont 14 000 inscrits auprès des services consulaires, qui ont été dépossédés de leurs biens en 1994, après l'attentat terroriste contre un hôtel de Marrakech. Rabat avait voulu le mettre sur le compte de l'Algérie, alors que par la suite la réalité des faits a démontré qu'il a été l'œuvre de djihadistes, dont des Marocains. Il y a lieu de rappeler que le Maroc a officialisé son implication directe dans l'opération de spoliation des Algériens de leurs biens immobiliers et mobiliers en 1973 à travers le décret (dahir) numéro 1.73.213 et daté du 2 mars, relatif “au transfert à l'Etat de la propriété des immeubles agricoles appartenant aux personnes physiques étrangères et aux personnes morales”. Ce texte de loi sera la base juridique pour d'autres mouvements de dépossession des Algériens, en particulier, et des étrangers, de manière générale dans le cadre de la marocanisation des terres agricoles. En fin de compte, il n'a été appliqué qu'aux seuls propriétaires algériens. Ainsi, des milliers d'Algériens résidant à Guercif, Agadir, Taza, Oujda, Berkane, Casablanca, Nador et Fès ont été dépossédés de leurs terres. Ces biens, ainsi que les propriétés reprises en 1963 sont toujours sous séquestre. Ils sont gérés par un organisme d'Etat, la Sogeta. Pourtant, le traité d'Ifrane, signé le 15 janvier 1969, prévoit de conférer à une commission mixte paritaire les compétences nécessaires pour “régler tout problème pouvant naître” de l'application de la convention d'établissement de 1963. Cette convention sera renforcée par un protocole annexe au traité d'Ifrane, la modifiant et la complétant. L'article 5 de cette convention consacre le principe du libre exercice des droits économiques et l'égalité fiscale. Il assimile même les ressortissants des deux Etats aux nationaux de chacun des deux pays. Malheureusement, le Maroc a violé tous ces accords et refuse au jour d'aujourd'hui de rétablir les Algériens dans leurs droits, mais ne veut par contre pas appliquer la réciprocité. Au lieu de s'agiter de manière intempestive, Rabat devrait s'asseoir autour d'une table de négociations, comme le demande Alger, pour aplanir définitivement tous les différends, une bonne fois pour toutes.