Les relations entre le chef de l'Etat et l'institution militaire ont, depuis l'investiture de M. Bouteflika, constitué le pôle d'attraction des journaux algériens et parfois même étrangers. Si la rumeur faisait souvent état de rapports tumultueux, les deux parties démentaient, à chaque occasion, l'existence de divergences. Les analystes sont contraints souvent de décrypter les déclarations publiques du Président et des responsables de l'ANP pour se faire une idée précise de leurs relations. Bien qu'il répétait à chaque fois qu'il n'y a aucun problème entre l'armée et le président de la République, Abdelaziz Bouteflika n'hésitait pas à décocher des flèches à l'endroit de la hiérarchie militaire, désignée souvent comme responsable des blocages. L'épisode de la fameuse dépêche de l'agence Reuters avait ouvert le bal d'une sourde confrontation. Cette dépêche avait, en effet, révélé l'existence de divergences entre l'armée et le chef de l'Etat autour de la constitution du premier gouvernement de M. Bouteflika. Ce dernier devait expliquer le retard mis pour mettre sur pied cet Exécutif par des interférences de l'armée. Comme pour enfoncer le clou, il ne cessera pas de clamer : “Je ne suis pas un trois quarts de Président… je veux exercer mes pleins pouvoirs.” Aussi, il ne ratait aucune occasion pour dire qu'il détient seul les rênes du pouvoir et que l'armée lui obéit totalement. “Je suis le chef de l'armée pas seulement selon la Constitution. Je connais bien les militaires pour avoir été officier avant les grands généraux actuels. Quand eux n'avaient pas de grade, j'étais commandant de l'Armée de libération nationale”, disait-il en septembre 1999 dans un entretien au magazine français Paris Match. Dans un de ses nombreux discours en Algérie, le chef de l'Etat a évoqué l'existence d'un groupe de pression qui détiendrait d'une main de fer l'économie nationale. Ce groupe — “quinze chats”—, Bouteflika s'est engagé à le combattre. Les observateurs n'ont pas manqué de relever que ce message s'adressait aux généraux. Et puis vint la totale, lorsque le sanguinaire chef du GSPC est élevé au rang de “Monsieur Hattab”, parce qu'il ne s'attaque pas aux civils mais seulement aux membres des forces de sécurité ! Quelque temps plus tard, la hiérarchie militaire est sortie de sa réserve par la voix d'une “source autorisée” et confirme non seulement que Bouteflika a été choisi par les militaires mais aussi qu'il était le candidat le “moins mauvais”. Le chef d'état-major de l'armée, le général de corps d'armée, Mohamed Lamari, anime peu de temps après une conférence de presse, à l'Académie interarmes de Cherchell, au cours de laquelle il reconnaît que même si le terrorisme a été militairement vaincu, l'intégrisme avait encore de beaux jours devant lui en raison du discours politique catalyseur. Depuis deux ans, Bouteflika semble avoir changé de stratégie. Si en Algérie, il ne rate plus aucune occasion pour encenser l'institution militaire, il fait tout pour la discréditer aux yeux des partenaires influents de l'Algérie. L'hebdomadaire français, Le Canard enchaîné, a rapporté, en effet, récemment que M. Bouteflika a demandé au président français, Jacques Chirac, de lui prêter main forte pour “neutraliser” l'armée et l'aider à se faire réélire en 2004. Cet hebdomadaire français avait rapporté des confidences de M. Chirac que l'Elysée n'avait pas démenties par la suite. R. B.