La lutte serrée entre Ahmadinejad et son principal rival, le réformateur Moussavi, n'a pas eu lieu. Le président sortant a eu son second mandat haut la main. Pourtant, ses adversaires ne l'avaient pas épargné. Mais, c'était sous-estimer son aura auprès des classes populaires qu'il n'a cesse de subjuguer en les caressant dans le sens du poil, selon le bon vieux et infaillible principe du populisme. * Les débordements des classes moyennes cultivées dans les rues huppées de Téhéran et autres grandes villes iraniennes n'auront été que de la poudre aux yeux face à la déferlantes des classes populaires qui sont restées fidèles à leur icône. Fils de forgeron, Ahmadinejad reste pour eux celui qui a été adoubé par l'Ayatollah, le chef du clergé et cœur de la révolution islamique, et le bras armé de celle-ci, les gardiens de la révolution. En outre, malgré la corruption et les scandales à répétition sur les malversations, l'affairisme et les détournements, chez les basses classes, Ahmadinejad est modeste et honnête. Durant son premier mandat, il a gardé la maison qu'il habitait avec sa femme et ses trois enfants dans un quartier populeux de Téhéran dont il a été le maire. Une image qui plaît à la population la plus pauvre. En face, Moussavi est applaudi par les jeunes, les bourgeois et la classe moyenne supérieure des grandes villes. La propagande d'Ahmadinejad l'a vite fait assimilé au candidat des fortunes vite acquises. Alors que Moussavi a fondé sa campagne sur la dilapidation de l'argent du pétrole par Ahmadinejad, celui-ci a pris à témoin les populations auxquelles cet argent a été distribué dans les banlieues populeuses et les campagnes pauvres. Les fonctionnaires dont il a relevé les salaires et les pansions, les petits commerçants et petits artisans sauvés de la faillite. Aux caisses de l'Etat vides, la machine Ahmadinejad a répondu par l'amélioration du niveau de vie de la population pauvre. Mais le président iranien a surtout surfé sur sa conception de la politique étrangère avec, d'un côté, sa croisade contre Israël, et, de l'autre, la dragée haute dans laquelle il tient avec succès par ailleurs, les puissances occidentales. Il a fait de la bataille du nucléaire un combat pour la souveraineté et la grandeur de son pays. Qu'il tienne tête aux Etats-Unis n'est pas pour déplaire dans un pays fier de son long passé. Qu'il veuille enrichir l'uranium pour fabriquer du nucléaire civil et éventuellement une bombe, ce qu'il nie, est bien accueilli. Mais en réalité, Ahmadinejad a gagné parce qu'il a derrière lui non seulement l'appareil de l'Etat mais aussi celui des Pasdaran (gardiens de la révolution) dont il est issu. Le guide Khamenei est toujours derrière lui. Et ça les classes populaires l'ont su. Certainement qu'il y a eu de la tricherie. Moussavi a protesté vigoureusement contre des irrégularités “visibles et nombreuses”, promettant d'y revenir et malgré l'interdiction par la police de tout rassemblement de partisans d'un candidat après la clôture du scrutin, plusieurs milliers de supporteurs de Moussavi se sont rassemblés dans le centre de Téhéran, lançant des slogans hostiles au gouvernement. Criant “dictature, dictature” ou encore “démission du gouvernement de coup d'Etat”, une partie des manifestants a même bloqué l'avenue Vali-e Asr, l'une des plus grandes de la capitale, qui traverse la place Vanak. Plus au sud, quelques centaines de jeunes qui manifestaient près du ministère de l'Intérieur ont été dispersés brutalement par la police, avant de se rassembler à nouveau plus loin. De jeunes manifestants ont affronté la police dans plusieurs endroits de Téhéran. Est-ce le début d'un déclic démocratique ? Trop tôt pour l'affirmer. Il reste que la campagne électorale s'était déroulée dans un climat acerbe entre candidats mais aussi dans une atmosphère festive, à un niveau jamais vu en 30 ans de République islamique. Celle-ci a pris une autre saveur avec l'instauration de débats télévisés entre les candidats et en direct, assaisonnés d'accusations de mensonges ou de corruption. Autre nouveauté : Ahmadinejad a fait sa campagne sans son épouse, alors que Moussavi apparaissait publiquement en compagnie de sa femme qui s'exprimait pour demander davantage de droits pour les femmes Âdans la République.