La négociation de la convention collective au sein de l'entreprise publique de transport de Constantine, qui gère les bus et le téléphérique, se déroule dans des conditions particulières. Les recettes des bus de l'ETC risquent, à moyen terme, de ne plus couvrir les charges d'exploitation y afférentes. L'entreprise constate, depuis quelques mois, une sensible diminution du chiffre d'affaires avec, entre autres, le recul des ventes sur la ligne phare de Djebel El-Ouahch, soit la plus importante et qui fut, d'ailleurs, la première mise en exploitation. Aux charges du personnel, aux amortissements et autres frais de gestion, s'ajoutent les frais d'entretien et de réparation qui commencent à apparaître avec les premières pannes qui se manifestent, ce qui est plus ou moins normal, après la troisième année de mise en circulation des bus. Ce poste sera de plus en plus important d'année en année. Le secteur des transports à Constantine est l'un des plus chaotiques du pays malgré les moyens dégagés. À chaque phénomène observé sur le terrain, un mauvais diagnostic est établi avec de véritables solutions prises sur de faux problèmes. Du coup, chaque agent de l'ordre et chaque automobiliste à Constantine a sa propre interprétation du code de la route. La mauvaise gestion de ce dossier vient de tourner à la caricature durant ce mois de juin. Ces derniers jours, les Constantinois, après trois ans de souffrance à la suite de décisions irrationnelles de changement des arrêts et stations de bus et de taxis, constatent qu'on revient à la case de départ, soit à l'ancien schéma. Autrement dit, on reconnaît l'échec des membres et des institutions en charge du dossier qui découvrent, en fin de course, que leurs décisions antérieures étaient à côté. Cela n'empêche pas les pouvoirs publics de reprendre la même équipe qui a perdu pour recommencer… un autre échec annoncé. Plus, cette gestion a créé des dommages à plusieurs acteurs, dont les propriétaires des bus, essentiellement l'ETC qui a consenti sur budget de l'Etat d'énormes investissements. La fermeture prématurée de la station Benabdelmalek et l'inadéquation des solutions de rechange sont pour quelque chose dans la situation financière qui prévaut chez elle et chez l'ensemble des transporteurs. Il y a une ou deux années, pour reprendre une classification managériale, le produit transport par bus était une vache laitière prête à financer une partie des frais d'exploitation du nouveau produit star en période de lancement, soit le transport par télécabine. Aujourd'hui, une fois le téléphérique mis en exploitation, le produit star peine à trouver sa vitesse de croisière à cause des multiples arrêts de fonctionnement interprétés, à tort ou à raison, par les clients de signe de non qualité. Quant aux mamelles de la vache laitière, elles risqueront de se retrouver à sec si l'on ne recours pas à une anticipation de la crise. Tout laisse croire que depuis une année, l'essentiel des efforts des responsables et des compétences de l'ETC sont orientés vers le nouveau produit, le transport par télécabine. Chose évidente. Les problèmes techniques que rencontre ce dernier ou à éviter sont si importants qu'un seul centre de décision ne peut s'occuper d'une façon optimale des deux centres de préoccupation. Du coup, alors qu'ils étaient rapides au départ, on a l'impression que les réflexes pour suivre le marché du transport par bus sont devenus lents. Normal, une panne ou un audit d'un jour dans les télécabines mobilise H24, pendant au moins une semaine, les compétences de l'ETC. L'organisation de l'ETC n'est pas étrangère à ces difficultés. Chargée au départ du transport public des voyageurs par bus en milieu urbain, elle se voit confier la gestion du téléphérique sans qu'une nouvelle organisation, qui ne peut se limiter à la création de services et au recrutement du personnel, soit adoptée. Certains pensaient même qu'avec cet apport, la situation économique de l'ETC ne pouvait que se renforcer. C'est comme si on avait oublié que ce qui a fait couler l'ex-régie communale ce ne fut pas la vétusté des bus mais la mauvaise gestion et l'absence d'un management moderne. L'état du parc la veille de la mise de banqueroute ne fut que l'un des symptômes d'un mal managérial. Deux décennies après, c'est un leurre de croire que la santé d'une entreprise est déterminée par l'âge de ses investissements. S'il est vrai que les deux produits, les bus et les télécabines, appartiennent au même secteur, le transport des voyageurs, on n'est pas en face d'un même métier, dans le sens managérial. C'est pourquoi, dans toutes les expériences mondiales, une segmentation intelligente du marché découle sur une filialisation de l'entreprise. Si les responsables de l'ETC ont réussi le pari de lancer l'entreprise et de la mettre sur pied, souvent au risque de leur vie tellement l'enjeu était grand, ils sont appelés à réussir l'anticipation de la crise à venir en redressant la situation. Une nouvelle segmentation des marchés, soit les lignes et les clients, s'impose. Le redéploiement des compétences sur le métier de base à travers une filialisation des deux activités, bus et télécabines, est une piste. Enfin, une meilleure gestion des ressources humaines s'impose et la négociation de la convention collective est un bon signe. Une première augmentation de 10% des salaires a été octroyée. Elle sera certainement suivie par une autre dans les jours à venir, mais le tout est lié à la santé financière de la boîte. S'il est vrai que les employés de l'ETC sont sous- payés, ceux d'entre eux, qui se sont expiés avec nous, préfèrent concilier promotion sociale et croissance de leur outil de travail ; une façon d'éviter de tomber dans le piège des ex-sociétés nationales.