“Nous avons l'honneur de vous faire part du grand étonnement de l'ensemble de la corporation à la lecture des lettres de mises en demeure qui leur ont été notifiées pour une fermeture de leurs établissements à 22h.” C'est par cette introduction, qui résume à elle seule le désarroi des professionnels “de la détente et des loisirs” de la station balnéaire d'Aïn Turck, que l'Association des commerçants et investisseurs de la corniche oranaise a répondu aux injonctions des autorités locales les enjoignant de fermer leurs établissements dès 22h. La stupeur générale a laissé depuis place à une inquiétude à peine apaisée par la décision préfectorale de geler une décision tant décriée par l'assemblée extraordinaire des membres du bureau de l'Acico, en présence des gérants et propriétaires d'hôtels et restaurants, tenue à la fin du mois de mai. Cet arrêté, même s'il est gelé, n'en continue pas moins de “nourrir les inquiétudes de la corporation”, selon les propres termes de Mohamed H'mam, président de l'Acico, qui rappelle, au passage, que ces horaires de fermeture ont de tout temps été discutés en haut lieu sans jamais impliquer les premiers concernés, “les professionnels du secteur”. Dans la lettre adressée au premier représentant de l'Etat à Oran, l'Acico tient à rappeler qu'“Aïn Turck est consacrée, par le texte et l'esprit, ville balnéaire source de loisirs et de bien-être. Les lieux de restauration et d'animation artistique et culturelle sont donc le moteur de son cadre de vie”. L'intérêt économique de toute une région est ainsi mis au-devant des préoccupations de la corporation qui agite le spectre d'une désaffection du secteur du tourisme dont l'un des piliers est justement ce volet dédié au spectacle et au plaisir sous toutes ses formes. “Le volet économique s'en ressentirait puisque la plupart des investisseurs, endettés bancaires, ont établi leurs prévisions budgétaires sur la base des recettes réalisées dans les services de bouche qui laissent, il faut l'avouer, des marges louables”, peut-on encore lire dans cette correspondance. On parle pour certains de plusieurs milliards de prêts bancaires qu'il faut rembourser. Le cas d'un complexe touristique d'Aïn El-Turck, dont le crédit contracté avoisine les 17 milliards de centimes, remboursable à raison d'un milliard de centimes par trimestre, est évoqué pour illustrer la situation générale qui prévaut. L'exemple d'un autre opérateur qui cumule près de 90 milliards en services de dettes est également donné. “Une telle mesure entraînerait la disqualification professionnelle de beaucoup d'opérateurs qui parlent déjà de dégraissage dans leurs effectifs et d'un renoncement à leur exercice”, prévient toujours l'Acico. Depuis que la décision de geler l'arrêté préfectoral a été rendue publique, la sérénité n'est pas pour autant au rendez-vous des professionnels qui y voient une menace permanente et silencieuse des pouvoirs publics à leur encontre et qui peut être réactivée à tout moment. “Nous sommes la seule ressource économique de la région”, affirmera M. H'mam tout en précisant que “la réglementation doit être appliquée mais sans qu'il y ait restriction de la part des autorités”. Cette décision, si elle venait à être entérinée, provoquerait, n'en doutons pas, la réduction des investissements dans la région, entraînant une réduction des entrées fiscales et de dramatiques conséquences sur l'emploi. On n'évoque pas moins de 1 000 postes d'emploi qui risquent d'être sacrifiés. La promotion de la politique touristique initiée par l'Etat s'en trouverait fortement ébranlée. Pourtant, en septembre 2008, et en perspective de la tenue du GNL 16, prévu à Oran en 2010, des “garanties” ont été données par les représentants locaux de l'administration aux opérateurs de la corniche quant à une réelle collaboration entre les deux parties pour rehausser le niveau des opérateurs économiques nationaux par rapport à ceux de l'étranger. Quoi qu'il en soit, ces horaires de fermeture qui ont touché les bars, restaurants et dépositaires de vins et liqueurs depuis quelques années ont déjà commencé à donner des résultats contraires en encourageant le secteur informel qui a pris le relais du circuit de distribution.