La situation de notre environnement bâti et de notre cadre de vie est préoccupante. En effet, l'état de décrépitude de notre patrimoine immobilier en général et urbain en particulier, nous interpelle tous en tant que citoyens de ce pays pour lequel plus d'un million et demi de ses meilleurs fils ont fait le sacrifice suprême. Au-delà des considérations d'esthétiques et sentimentaux, c'est du volet économique dont il est question. En effet, la clochardisation et la fragilisation de notre patrimoine immobilier et son dysfonctionnement obèrent dans une large mesure les différents budgets de la collectivité. Cette situation unique au niveau des pays de la région nous interpelle en tant que professionnels plus que d'autres. Depuis la promulgation du décret législatif n° 94-07 du 18 mai 1994 relatif aux conditions de la production architecturale et à l'exercice de la profession d'architecte et du décret n° 69-293 du 2 septembre 1996, fixant les modalités de fonctionnement de l'Ordre des architectes, des avancées notables ont été réalisées, notamment au niveau organisationnel interne à la profession. Ce qui s'est traduit par une participation active des hommes de l'art aussi bien au niveau de la conception des projets que dans l'encadrement de l'acte de bâtir en général. Mais, malheureusement, ces avancées demeurent minimes et ce eu égard à l'ampleur de la tâche à accomplir, aux objectifs tracés par notre corporation et aux attentes des citoyens. Nous savons que le dispositif légal et règlementaire actuel d'encadrement de cet acte de bâtir est incomplet et parfois lapidaire. Le séisme de 2003, qui a frappé la région centre du pays, nous a donné, au-delà du constat amer des innombrables dégâts humains et matériels subis, l'occasion aussi d'engager une réflexion en profondeur sur les principales causes, aussi bien du dysfonctionnement de ce dispositif d'encadrement, de ses incohérences et de ses insuffisances. Un état des lieux sans complaisance a été établi. C'est ce qui nous a permis de faire des bilans sur les principales causes de fragilisation de notre patrimoine bâti et de cibler les erreurs d'appréciation des intervenants et des gestionnaires de ce patrimoine et tout particulièrement des membres de notre corporation. Dans ce cadre, des incohérences de fonctionnement des instances de notre Ordre ont été mises à nu. Ces incohérences identifiées sont la principale cause de l'absence de lisibilité des interventions des membres de notre corporation. Ajouté à cela la dilution de la responsabilité dévolue aux architectes dans le cadre de la prise en charge des missions ordinales de maîtrise d'œuvre qui se trouvent aujourd'hui en décalage par rapport aux objectifs de qualité, de coût et de durabilité de notre patrimoine immobilier. Notre corporation, depuis sa création, a mis en place un programme ambitieux pour mettre fin à l'anarchie qui caractérise l'environnement bâti dans notre pays et tout particulièrement en ce qui concerne la consolidation du dispositif légal et règlementaire d'encadrement de l'acte de bâtir. Mais, force est de constater que la réalisation de ce programme ambitieux est demeuré un vœu pieu. Plus de dix années se sont écoulées depuis la mise en place des instances de l'Ordre, la situation n'a guère évolué et ce malgré la volonté affichée. En effet, les pouvoirs publics ont de tout temps dénoncé cette situation à travers des discours souvent en décalage avec la réalité. Ces mêmes pouvoirs publics continuent à ignorer la législation et la réglementation en vigueur, notamment en matière de respect des règles d'aménagement, d'urbanisme et d'environnement. Notre corporation qui était censée accompagner ces pouvoirs publics, notamment les collectivités territoriales dans la traduction de ces règles, n'a malheureusement pas réussi à accomplir de manière convenable cette mission fondamentale et ce, principalement, à cause de raisons multiples. En premier lieu, le soubassement règlementaire régissant le fonctionnement des instances de l'Ordre n'a pas été achevé. A ce titre, le serment prévu par la loi qui devait être accompli en présence d'un homme de loi se fait auprès des pairs et en l'absence d'un code de déontologie. Le règlement intérieur de l'Ordre est soumis aux contingences des personnes et du moment. Les compétences territoriales des conseils locaux ne disposent d'aucune assise réglementaire et de ce fait ces conseils locaux se font et se défont au gré du bon vouloir de certains. C'est ce qui explique la présence de plusieurs conseils locaux parallèles et même d'un pseudo conseil national. Ces conseils parallèles, au-delà du fait qu'ils portent de graves préjudices au fonctionnement interne de la corporation, notamment en procédant à la collecte d'une manière irrégulière des cotisations ordinales, délivrent les attestations de mise à jour, indispensables à l'agrément d'exercice de la profession. Le découpage territorial actuel en seize (16) conseils locaux a été fait sur la base de territoires administratifs sans tenir compte de considérations aussi bien de viabilité économique de ces conseils que du caractère règlementaire nécessaire et indispensable à la prise en charge des missions que les pouvoirs publics ont dévolu à l'Ordre. En effet, l'exercice de ces prérogatives est laissé à l'appréciation des seuls professionnels, sans tenir compte de l'avis de la puissance publique et donc soumis à des variations conjoncturelles. Pour pallier cette situation conjoncturelle, notre conseil national, depuis son élection en novembre 2004 et sa reconduction par le congrès extraordinaire en 2006, a engagé une série d'actions visant la mise en cohérence des structures de l'Ordre et la consolidation du dispositif légal et règlementaire d'encadrement de l'acte de bâtir. Dans ce cadre, des projets de textes ont été soumis à l'appréciation des autorités compétentes, notamment celles du ministère chargé de l'architecture. A ce titre, et pour ce qui concerne la mise en cohérence des structures de l'Ordre, des projets de textes réglementaires ont été soumis à l'appréciation de M. le ministre chargé de l'architecture. Ces projets de textes concernent le découpage territorial des structures de l'Ordre, le code des devoirs professionnels, la mise en place des chambres de discipline et les modalités de prestation de serment. Concernant le volet relatif à la consolidation du dispositif d'encadrement de l'acte de bâtir, des projets de textes de loi et de règlements, plusieurs projets de textes ont été élaborés et soumis à l'appréciation des pouvoirs publics. Ces projets concernent notamment les conditions d'exercice des missions de maîtrise d'œuvre, d'organisation des concours d'architecture, d'achèvement des constructions et à l'actualisation des honoraires des missions de maîtrise d'œuvre. L'ensemble de ces projets de textes a fait l'objet de larges débats avant d'être soumis aux services compétents du ministre chargé de l'architecture. Deux projets ont été approuvés. Le premier texte relatif au découpage territorial des structures de l'Ordre en sept régions identifiables sur le plan des références architecturales et économiquement viables, a eu l'aval de M. le ministre chargé de l'architecture. Concernant le deuxième projet relatif aux conditions d'achèvement des constructions, ce dernier a fait l'objet d'une introduction par les services compétents du ministère de l'Habitat, au niveau de l'Assemblée populaire nationale (APN). Malheureusement, le projet original a subi des modifications en profondeur qui ne nous permettent plus la prise en charge des préoccupations posées et des objectifs visés. La commission de l'APN chargée de l'examen de ce texte nous a fait l'honneur, au titre des consultations, d'être conviés à participer à ses travaux, qu'elle en soit remerciée. Ce projet de texte a été totalement vidé de son sens par rapport au premier avant-projet élaboré par l'Ordre et soumis à l'avis de M. le ministre. A ce titre, notre Ordre a fait une série de propositions que nous considérons indispensables pour assurer la fiabilité des dispositions de cet important texte de loi. Concernant la consolidation et la structuration de notre Ordre, le nouveau découpage territorial, au-delà du fait qu'il permet de disposer d'une assise règlementaire, donnera aussi l'occasion à notre corporation de participer d'une manière réelle à la promotion des architectures locales et régionales authentiques. Il permettra aux professionnels et aux hommes de l'art de participer de manière effective à la définition des politiques publiques en matière de construction et à la traduction des termes de références architecturales et urbaines, notamment des normes d'habitat et d'environnement bâti. Ce découpage prend aussi en charge les préoccupations d'aménagement et de développement durable du territoire. Ces préoccupations ont fait l'objet d'un large débat lors de la tenue des assises de l'architecture en 2006 que notre corporation a organisées sous le haut patronage de son excellence Monsieur le président de la République. Mais, malheureusement, des incompréhensions sont constatées. Nous savons que tout changement est porteur d'inquiétudes, souvent injustifiées. Dans notre cas, le nouveau découpage, avant d'être soumis à l'appréciation de l'autorité compétente, plusieurs résolutions du conseil national ont été prises. Il a fait l'objet d'une adoption par le congrès extraordinaire. Le projet a été soumis à l'appréciation des 16 conseils locaux. Mais, malheureusement, des personnes habituées au confort que procurent certains postes sont allergiques à tout changement. Ils monnayent leurs positions auprès des autorités locales au nom de notre corporation, sans tenir compte des principes élémentaires qui régissent notre noble profession. Les auteurs de certains placards dans les journaux qui refusent la tenue des assemblées générales respectives ou qui se réunissent en catimini dans des salons et autres terrasses de cafés, émargent dans cette catégorie de personnes. Nous savons aussi que toute organisation est perfectible. Dans ce cas précis, le nouveau découpage en sept (07) conseils locaux, au-delà du fait qu'il prend en charge les préoccupations relatives à la viabilité des structures locales de l'Ordre, donnera aussi l'opportunité à ces structures de s'inscrire dans une dynamique de force de proposition incontournable pour chacune des régions du pays. La situation actuelle, caractérisée par une absence totale de notre corporation au niveau de la prise en charge des préoccupations, aussi bien des pouvoirs publics au niveau local que des citoyens, est révélatrice de notre incapacité à prendre part à la définition et à la traduction des référents de notre environnement bâti futur. Ce nouveau découpage sera accompagné par la mise en place d'une stratégie d'intégration de l'ensemble des membres de notre corporation qui demeure seul à même d'assurer la pérennité des actions et des missions dévolues à notre corporation. Cette stratégie vise aussi l'ancrage d'une culture démocratique de proximité et la mise en place de mécanismes qui garantissent la participation et l'implication de tous dans la prise en charge des grandes questions qui se posent au pays et à la nation, notamment à travers le recueil des avis des hommes de l'art et de la culture. Les questions de l'heure et qui se rapportent à l'amélioration du cadre de vie du citoyen et son environnement, devront constituer l'essentiel des préoccupations des femmes et des hommes de notre corporation. C'est pourquoi une importance particulière est accordée à la pertinence du choix des représentants de notre corporation, aussi bien au niveau local que national. Dans ce cadre, le conseil national a proposé la création d'une structure représentative de notre corporation au niveau de chacune des 48 wilayas. Cette proposition sera soumise à l'approbation du prochain congrès qui devrait, en outre, se prononcer sur la révision du nouveau règlement intérieur régissant le fonctionnement des instances de l'Ordre. Ces délégués auront la charge de maintenir un lien permanent entre tous les membres de notre corporation au niveau de la wilaya. Ils représenteront la corporation au niveau local et, de ce fait, ils seront chargés de mettre fin au phénomène d'exclusion et de marginalisation que rencontrent aujourd'hui beaucoup de nos consœurs et nos confrères. Ces délégations auront des prérogatives de conseils locaux ou de wilaya. Au regard des défis que notre pays doit impérativement relever et tout particulièrement ceux imposés par la globalisation, notre objectif demeure la participation, voire l'implication de tous pour débattre des questions majeures qui se posent à notre société. Nous ne pouvons plus nous permettre de rester en dehors de cette dynamique qui exclut les plus faibles. Le combat mené souvent avec hargne et adversité mérite d'être poursuivi. Notre corporation renferme des gisements insoupçonnés de compétences qui sont à même de poursuivre cette tâche fabuleuse de construction de ce fameux pays qui est le nôtre. L'auteur est Présidente de l'Ordre des architectes