136 ans après sa mort, cheikh Aheddad, l'un des chefs de la révolution de 1871 avec El Mokrani, a eu droit à des funérailles nationales où la reconnaissance officielle se mêlait à la ferveur populaire. Niché sur un flanc de montagne verdoyant, le village de Seddouk Oufella, au sud de la wilaya de Béjaïa, s'est révélé trop exigu pour contenir les milliers de personnes qui ont afflué, tôt ce vendredi, pour assister à la cérémonie de ré-inhumation des ossements de cheikh Aheddad et de ses fils, Aziz et Mhand, dans le mausolée spécialement construit à cet effet. C'est à une grande fête populaire et à un hommage officiel de la nation que cheikh Aheddad a eu droit après des décennies d'oubli et de marginalisation indignes d'une personnalité historique, révolutionnaire et religieuse qui a marqué de manière indélébile l'histoire de la nation algérienne. En levant l'étendard du djihad le 8 avril 1871, cheikh Aheddad n'ignorait pas que l'entreprise était vouée à l'échec. « Ray d'amechemoum, bessah athekhdhem » (ce n'est pas bien raisonnable, mais nous ferons cette révolution), avait-il dit. Il avait expliqué à ses adeptes que la révolution qu'ils entamaient n'avait aucune chance d'aboutir à bouter hors d'Algérie le colon français mais, avait-il argumenté, il fallait que le sang coule pour que le fossé entre Algériens et Français soit, désormais, infranchissable. Les restes du vénérable cheikh, leader de la révolution de 1871 avec El Mokrani et chef spirituel de la tariqa Rahmaniya, ainsi que ceux de son Aziz Aheddad ont donc été exhumés mercredi passé du cimetière de Koudiat, à Constantine, sur autorisation expresse de la présidence de la République et des plus hautes instances religieuses du pays, avant d'être acheminés, jeudi en fin de matinée, à Seddouk Oufella, leur village natal. Drapés dans l'emblème national, les cercueils sont arrivés dans la matinée de jeudi à Seddouk Oufella en provenance de Constantine. Le cortège funèbre a été accueilli à l'entrée du village par des milliers de personnes, en présence des autorités locales avec, à leur tête, le wali de Béjaïa. C'est donc à pied que la procession humaine a fait le reste du chemin jusqu'à la maison familiale où les deux cercueils ont été entreposés. Tout au long de ce parcours de deux kilomètres, l'émotion, décuplée par les chants de centaines de « khouan » et les youyous des femmes agglutinées aux balcons, était véritablement palpable et beaucoup de personnes n'arrivaient pas à retenir leurs larmes. Près d'un siècle et demi après sa mort, cheikh Aheddad a donc eu droit à des funérailles nationales et à la ferveur populaire digne d'une figure nationale de la résistance qu'il incarne encore aujourd'hui. Ce vendredi, après la prière du dhor et celle des morts dans la maison familiale, les cercueils ont été transportés par des éléments de la Protection civile, en présence de beaucoup de personnalités officielles et religieuses. A noter qu'un envoyé spécial a lu à l'assistance un message exprimant l'hommage du président Bouteflika à cheikh Aheddad. Les trois cercueils ont été mis en terre dans des tombes abritées sous le dôme du mausolée Aheddad. A noter également qu'en aparté, la wali de Béjaïa nous a révélé qu'un musée sera bientôt érigé sur place. Il sera consacré à la personnalité de cheikh Aheddad ainsi qu'à cette révolution de 1871 qui a pavé le chemin de la Libération nationale.