La crise du Honduras pose en de nouveaux termes la notion de coup d'Etat. L'armée hondurienne, exécutant ainsi le premier putsch militaire en Amérique latine depuis la fin de la guerre froide, vient de renverser le président Manuel Zelaya. Elle l'a remplacé par Roberto Micheletti, président du Congrès et accessoirement du même parti que le Président déposé. L'opération a été condamnée par l'Assemblée générale de l'ONU, par l'l'Organisation des Etats d'Amérique du Sud (OEA) et par la communauté internationale, dans une quasi-unanimité qui a réuni toutes les sensibilités des Etats-Unis à… Cuba. L'armée, qui n'a pas pris possession des institutions, se défend de toute illégalité puisqu'elle a, déclare-t-elle, agi “sur demande du Parlement et du Conseil constitutionnel” contre un Président qui a “commis des crimes contre la Constitution”. Zelaya avait notamment exprimé son intention de réviser, par référendum, la Constitution qui interdit au Président d'enchaîner deux mandats consécutifs. La menace que Zelaya faisait peser sur cette règle prévue par la Constitution hondurienne n'a apparemment pas été prise en compte dans l'évaluation de l'intervention militaire par les instances et les Etats de la communauté internationale qui ont réagi à ce putsch, au demeurant soutenu par le Congrès et la Cour suprême du pays. Les coups d'Etat militaires, avec prise de pouvoir directe, se font rares dans le Tiers-Monde. L'affaissement du bloc communiste aura au moins servi à cela. Et quand ils interviennent, c'est souvent dans un contexte d'autoritarisme verni de démocratie de façade, comme c'est souvent le cas dans le Tiers-Monde, mais plus spécialement en Afrique et dans le périmètre de la Ligue arabe. Les manœuvres anticonstitutionnelles prennent plutôt la forme d'adaptation de la Constitution à la volonté autocratique de perpétuer son empire. Ce sont des espèces de putschs à rebours où l'on assiste non pas à un changement de régime par la force, mais à l'empêchement d'un changement prévu par la Constitution qu'on va accommoder à la finalité conservatrice. Ce “contre-changement” se fait “démocratiquement” par des régimes qui maîtrisent autoritairement l'issue des élections. Mais tant qu'il n'est pas suivi de protestation réprimée, comme c'est actuellement le cas en Iran, il n'a pas de statut antidémocratique. Malgré l'intention évidente de déposséder un peuple du principe d'alternance, fondateur de la démocratie, le viol d'une Constitution consenti par la passivité populaire n'est plus un viol. En Afrique, si les coups d'Etat armés se sont raréfiés, cette pratique fait florès. Le dernier à tenter de l'expérimenter est le président nigérien Mamdou Tandja. Mais d'autres chefs du continent ont éprouvé avec “succès” ces arrangements constitutionnels qui leur ont imposé la continuité : la Guinée en 2001, la Tunisie et le Togo en 2002, l'Ouganda en 2005, le Tchad en 2006, le Cameroun et l'Algérie en 2009. Au Honduras, la collusion entre les pouvoirs politique et militaire n'a pas été de mise. C'est pour cela que ce coup d'Etat contre un coup d'Etat enrichit la question du changement démocratique d'une nouvelle problématique.