En pressant le G8 d'augmenter son aide alimentaire, c'est un cadeau empoisonné qu'Obama vient d'offrir aux — dictateurs — africains. En optant pour une aide à l'investissement agricole plutôt qu'une aide alimentaire consommable, en envisageant de cibler les institutions réceptionnaires de cette assistance, le président des Etats-Unis dénonce indirectement les détournements mafieux de l'aide alimentaire et au développement que les gouvernements africains ne cessent de solliciter auprès de la communauté internationale. Il n'est pas sûr que cette disponibilité d'un Président qui dit avoir “du sang africain qui coule dans ses veines” soit pour encore longtemps la bienvenue. Bientôt, le spectre de “l'ingérence”, qui a toujours légitimé le huis clos, sera brandi contre cette aide “liée” à laquelle les dictateurs africains préféreraient l'intimité de leurs abus. Il y a quelque chose d'inédit dans la démarche du nouveau président des Etats-Unis qui transparaît dans le message qu'il adresse à l'Afrique à travers son discours aux députés ghanéens. Contrairement aux dirigeants des anciennes métropoles, il ne recherche pas l'arrangement avec les régimes illégitimes qui échangent leur validation internationale par les puissances néocoloniales contre les ressources de leur pays. Et, contrairement à ses prédécesseurs à la Maison-Blanche, il ne veut pas se contenter de la stabilité que les dictatures du Tiers-Monde garantissent habituellement aux puissances clientes. De plus, Barack Obama a bien exprimé qu'il n'est pas dupe de la nature anachronique des démocraties bananières d'Afrique. “Ne vous y trompez pas, l'histoire est du côté des courageux Africains, pas de ceux qui font des coups d'Etat ou changent les Constitutions pour rester au pouvoir. L'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts ; elle a besoin d'institutions fortes !” Si le choix du Ghana comme première destination africaine — si l'on exclut le voyage thématique en Egypte — ne suffisait pas comme message, le président américain rappelle clairement sa défiance des régimes prédateurs du continent en annonçant qu'il orientera désormais l'aide de son pays “vers les individus et les institutions responsables”, et qu'il fera de cette aide un moyen de “soutien aux règles de bonne gouvernance”. Nonobstant la responsabilité du colonialisme et de l'ordre international actuel, la plupart des Etats d'Afrique sont condamnés par leurs propres dirigeants. Ce qu'il exprime en rappelant que la souffrance des Zimbabwéens ne doit rien au colonialisme. Le discours du président Bouteflika, lu par son Premier ministre au sommet du G8, résonne comme une réplique anticipée au discours d'Obama. Faisant valoir le contrôle réciproque par des régimes africains globalement gangrénés par l'autoritarisme et la corruption, le message soutient que “les avancées enregistrées au titre de la mise en place du Mécanisme africain d'évaluation par les pairs sont, pour nous, un motif de satisfaction et font espérer que l'Afrique renoue avec une véritable logique de développement, contrecarrant la tendance à sa marginalisation dans le système des relations internationales” ! S'il persiste dans cette franchise, quelque chose nous dit que pour la Ligue de l'UA, Obama l'Africain ne tardera pas à devenir Obama le yankee. M. H. [email protected]