L'on raconte qu'aux temps anciens, vivait à la lisière d'une forêt, seul dans sa masure, un vieil homme âgé. Paralysé, on lui avait mis son lit près de la porte qu'il ouvrait à l'aide d'un fil raccordé à un targette. Ce vieux avait une petite-fille prénommée Fatma qui lui apportait ses repas. À peine arrivée, les bras chargés d'une galette et d'un plat de couscous, Fatma chantonnait : “Ouvre-moi la porte, ô mon père Innouba.” Et le grand-père répondait : “Fais sonner tes petits bracelets, ô Fatma ma fille !” Mais un jour l'ogre aperçut l'enfant. Il la suivit en cachette jusqu'à la masure et se dit : “J'ai compris le stratagème. Demain, je prends la place de la petite et quand le vieux m'ouvrira, je le mangerai.” Le lendemain, l'ogre se présenta devant la porte et de sa grosse voix, cria : “Ouvre-moi la porte ô mon père Innouba !” “Sauve-toi, maudit, répondit le vieux. Je t'ai reconnu !” Fou de rage, mais déterminé à atteindre son but, l'ogre demanda conseil au sorcier du village. “Va, enduis-toi la gorge de miel et mets toi au soleil, la bouche grande ouverte. Des fourmis y entreront et racleront ta gorge. Ta voix s'affinera”, lui dit ce dernier. L'ogre s'exécute. Au bout de quelques jours, sa voix fut aussi claire que celle de la petite Fatma. Il se rendit alors devant la porte de l'aïeul, qui cette fois-ci, n'y vit que du feu. L'ogre se rua sur lui et n'en fit qu'une bouchée. Il se glissa ensuite dans le lit et attendit la petite fille pour faire un second repas. En arrivant, Fatma chantonna comme d'habitude : “Ouvre-moi la porte, ô mon père Innouba !” En obtenant une réponse, elle tiqua. “Ce n'est pas la voix de mon grand-père. Mon Dieu, que lui est-il arrivé ?” Elle posa la galette et le plat de couscous, et se précipita au village pour donner l'alerte à ses parents. Son père fit crier la nouvelle sur la place publique. Alors, chaque famille offrit un fagot, les hommes du village accoururent pour les porter jusqu'à la masure et y mettre le feu. L'ogre tenta vainement de fuir mais il brûla vif. L'année suivante, un chêne poussa au même endroit. On l'appela “le chêne de l'ogre”. Nadia Arezki [email protected]