La répression menée par Pékin contre les Ouïgours musulmans pourrait exposer les Chinois installés en Afrique. Al Qaïda a déjà menacé les autorités chinoises. Pékin, qui jusqu'ici était bien à la marge des convulsions qui agitent le monde autour de l'islamisme radical, est en plein dedans. Avec la crise dans les confins du Grand ouest de la Chine, aux portes de la remuante Asie musulmane, Pékin est dans la mêlée, dans le bras de fer violent avec les mouvances de l'islam radical. C'est une donnée nouvelle pour les Chinois qui ont pleinement investi le monde arabo-musulman. L'influent journal chinois de Singapour, le Zaobao, écrivait la fin de la semaine dernière que cette situation dans le monde islamique était une "donnée diplomatique nouvelle et importante" sur laquelle les dirigeants chinois allaient devoir se pencher sérieusement. Et faisait remarquer que l'on n'est plus dans la configuration tibétaine de l'an dernier. Ce n'est plus, en effet, avec "une intelligentsia occidentale fascinée par le sourire du dalaï-lama", mais avec la rue musulmane "prompte à s'enflammer quand des frères sont opprimés", que la Chine peut craindre une montée des tensions. Le risque a été apparemment bien appréhendé par Pékin qui a demandé le renforcement de la protection de ses ressortissant, comme cela a été fait avec notre pays. En outre, la diplomatie chinoise a appelé les pays musulmans à la compréhension. "Nous espérons que les pays musulmans concernés et les musulmans sont en mesure de reconnaître la véritable nature des événements du 5 juillet à Urumqi", a déclaré le porte-parole du ministère des AE, Qin Gang, selon qui les émeutes "visaient à saboter la Chine et son unité ethnique". Il reste qu'en prenant le parti de réprimer durement la révolte des Ouïgours, les autorités chinoises ont pris un grand risque. Car cette révolte est à la fois ethnique, économique, religieuse et politique, et affecte à des degrés divers de multiples peuples et nations. Les Ouïgours sont turcophones, ils font partie d'un grand ensemble de peuples dont les langues voisines sont parlées de la mer Egée au Pacifique (Turquie, Azerbaidjan, Turkmenistan, Ouzbekistan, Kazakhstan et Kirghizistan). La solidarité des peuples turcophones, au temps de l'Internet et de la mondialisation, est une réalité qui est en train de prendre forme. Les ouïgours disent avoir été abandonnés à leur sort au détriment des Hans, l'ethnie majoritaire en Chine, pro pouvoir. À Urumqui, la capitale ultramoderne, les Ouïgours n'habitent pas les beaux quartiers et se plaignent de ségrégation sociale. La religion, c'est probablement le point le plus épineux du problème. Les Ouïgours sont musulmans, et les pays turcophones frontaliers le sont aussi. Et il ne fait aucun doute que la solidarité religieuse va pousser les habitants des pays frères à les aider. Le Xinjiang fait partie de cet un énorme chaudron de violence qu'est l'Asie centrale, à quoi il faut inclure l'Afghanistan et le Pakistan. L'Iran et la Turquie ont déjà protesté. D. B.