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“Boycottez et tenez bon !”
Saïd Sadi en tournée à Boumerdès :
Publié dans Liberté le 01 - 10 - 2002

“C'est promis, je boycotte”, lance un jeune à l'adresse de Saïd Sadi alors qu'il sillonnait, hier, les rues de la ville de Boudouaou. Visiblement revigoré, le président du RCD se retourne vers la délégation qui l'accompagnait : “À moins que le pouvoir ne le gonfle avec un compresseur, le taux de participation sera des plus faibles…” La délégation du RCD est arrivée, dans la matinée, dans la wilaya de Boumerdès. Le RCD poursuit ainsi sa campagne pour le boycott des élections locales. Première étape de ce périple : une cité populaire, les Coopératives. Sadi entre dans un café où il est pris d'assaut par des citoyens. “Chez nous, ce sera l'abstention totale mais les gens veulent que vous veniez sur place”, s'écrie un citoyen venu spécialement de Bordj Ménaïel. Confus, Sadi se désole. Pour des impératifs liés à la gestion du temps, dit-il, il ne lui est pas possible de se déplacer dans toutes les localités. Sadi se dirige vers un groupe de jeunes. Ils sont visiblement absorbés par d'autres soucis. La campagne électorale est loin de constituer une de leur préoccupation. “Que pensez-vous des élections ?”, leur dit-il pour engager la conversation. La réponse est sèche : “On s'en fout des élections. De toute manière dans ce pays, c'est toujours la même chose. La politique ne nous intéresse plus”. Sadi est désarçonné par tant de franchise. Pourtant, sa réponse se veut un encouragement. “Il faut tenir. Il ne faut pas baisser les bras”, insiste-t-il avant de quitter les lieux. Le président du RCD prend congé de ses interlocuteurs qui le saluent. “Bon courage” disent-ils. Une tournée est improvisée à l'intérieur de la cité où n'était visible aucun signe pour rappeler la campagne électorale. Saïd Sadi ne manque pas, du reste, de s'exclamer, un tantinet ironique “C'est la première fois de ma vie que j'assiste à une campagne électorale où les candidats sont absents”, avant d'ajouter : “Ce sont des candidats clandestins”. Le président du RCD aborde un groupe de jeunes attablés dans un autre café. L'un d'eux s'apprête à parler mais se ravise. À la vue de l'appareil photo que brandit le photographe, le jeune homme prend peur. “Tu peux parler, ce n'est pas une caméra”, lui dit ironiquement un de ses camarades. “N'aie pas peur”, enchaîne en souriant Saïd Sadi qui ajoute : “Le jour où tout le monde aura le droit de s'exprimer librement, ce jour-là, on va voter, mais pour le moment on en est loin. Vous le savez, la télévision n'est ouverte qu'à ceux qui cautionnent le pouvoir”. La délégation du RCD fait ensuite une halte au marché de Boumerdès. À l'entrée, un quinquagénaire vend des sacs à main. “Que feras-tu le 10 octobre ?”, lui demande Sadi. “Je viendrai vendre mes sacs”, repond-il. L'homme a quatre enfants à nourrir. Son maigre revenu, il le puise en vendant des sacs à main. Puis, se rappelant sans doute que le marché sera fermé le jour du vote, il rectifie : “Le 10 octobre, je resterai à la maison”. Autant dire, une journée perdue pour lui. Nous sommes dans une station de transport urbain. Sadi se mêle à un groupe de jeunes : “Je suis venu vous dire que cette fois-çi, il ne faut pas voter”. La foule acquiesce. “On est d'accord avec toi, âmmi Saïd”, lance l'un d'eux. Un autre se plaint : “Il n' y a plus d'espoir dans ce pays”. “C'est vrai vous avez le droit d'être déçu, mais il faut garder espoir”, tente de le réconforter Sadi. Même son de cloche du côté des étudiants. “Qu'allez-vous faire le 10 octobre ?”, demande Sadi à une étudiante en 2e année. Réponse : “Je ne suis pas concernée”. Réponse du tac au tac de Saïdi : “Alors vous m'intéressez”.
Halte devant un autre groupe d'étudiants de Constantine et de Annaba. Ils disent ignorer tout des élections. “Il n'y pas de télévision dans leur cité” résume sèchement un des leurs. “Moi aussi je suis privé de la télévision. Vous êtes jeunes, c'est à vous de prendre le relais pour changer les choses”, répond Sadi. Il a alors droit à des remerciements : “Toi au moins tu es venu nous voir”. Dans un autre café de la place centrale de Boumerdès, Sadi est accueilli par un homme qui lui fait une confidence : “Nous nous sommes déjà rencontrés en 1997 lors des des législatives”. Le temps est bien loin. Depuis, Saïd Sadi est entré dans le gouvernement avant de claquer la porte au nez du Président Bouteflika.
Le vieux garde encore bonne mémoire. “J'étais président de la commission de surveillance des élections mais depuis je suis devenu apolitique en attendant de meilleurs jours”, explique-t-il. “Ces meilleurs jours, il faut les préparer”, répond Sadi. Soudain des “Ulac l'vot Ulac” fusent dans le café. “La voilà la solution, ils l'ont trouvée”, affirme Sadi avant de s'engouffrer dans son véhicule en direction de Boudouaou.
A. C.
Tarik Mira et Lila Hadj Arab à Tizi Ouzou :
“Des élections pour légitimer le système”
• La campagne antivote bat son plein en Kabylie où, hier encore, des meetings et conférences-débats se poursuivaient animés par le mouvement citoyen d'une part, et le Rassemblement pour la culture et la démocratie, d'autre part. Le chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou, après la conférence-débat de Djamel Fardjellah, jeudi dernier, a abrité une autre rencontre avec les citoyens, animée par Tarik Mira, secrétaire national du RCD chargé des relations internationales et Me Lila Hadj Arab, membre du collectif des avocats de la défense des détenus du Printemps noir. “La résistance patriotique, 18 mois durant. Rejetons les élections de la honte”, est le thème de la conférence. Le secrétaire national du RCD estimera qu'il existe “une dette de mémoire en Kabylie et cette dette est entachée du sang des 118 martyrs du Printemps noir”. “Le rendez-vous du 10 octobre, poursuivra l'orateur, est une occasion pour le pouvoir pour se légitimer” (…) “Le système veut se refaire une virginité par une fraude massive au moment où les partis, soutenus par l'administration, sont fortement présents”. Tarik Mira accusera le FFS de vouloir “légitimer le système par les urnes au moment même où celui-ci bénéficie d'une double impunité (...) Le droit de la force a primé sur la force du droit”, a indiqué le conférencier.
Me Lila Hadj Arab soulignera que “les gendarmes assassins n'ont pas été jugés à ce jour”, pourquoi donc aller voter ? se posera-t-elle la question. “Bouteflika et Zerhouni se taisent”, dira-t-elle. Et de poursuivre : “Ils ont tous deux chargé le FFS de faire le travail en Kabylie pour mieux asseoir le contrat de Sant'Egidio à peine remaquillé en concorde nationale”, conclut l'oratrice.
K. S.


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