Le président du Niger, Mamadou Tandja, a fait le grand ménage autour de lui pour mieux asseoir son pouvoir personnel. En décidant, lundi soir, de dissoudre la Cour constitutionnelle, seule institution encore garante du droit, il aura bouclé la boucle de son entreprise de mise au pas de son pays. Et pour cause ! Après avoir dissous le Parlement en mai dernier, il s'est offert des pouvoirs « exceptionnels » sur un coup de tête pour, justifiait-il, sortir du blocage institutionnel. Entre temps, son gouvernement s'est dégarni de plusieurs ministres qui n'ont pas voulu s'associer à son coup de force contre la Constitution pour allonger la vie à son pouvoir. Aujourd'hui, les Nigériens sont sous la botte d'un homme omnipotent qui défie et piétine toutes les règles du droit, voire du simple bon sens pour assouvir son désir irrépressible de rester au pouvoir. Et c'est le Niger qui s'enfonce chaque jour davantage dans une grave crise politique qui risque de tourner en affrontements. L'opposition menée par le Front pour le défense de la démocratie (FDD), composé d'une noria des syndicats, partis et ONG, qui a dénoncé le « coup d'Etat », n'entend pas se laisser embarquer dans cette confiscation du pouvoir par la force de la part de Mamadou Tandja. Point d'orgue de sa protestation quasi quotidienne, le FDD, dont le porte-parole a été arrêté lundi, organise aujourd'hui une opération originale baptisée « journée pays mort ». Objectif ? Mobiliser le peuple nigérien contre la tentation monarchique de son président, mais sursensibiliser l'Union africaine dont le sommet s'ouvre ce matin à Syrtes, en Libye, en présence de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), dont le Niger fait partie. Une organisation qui a déjà menacé de suspendre le Niger, « si le président maintient son référendum ». Mais Mamadou Tandja ne l'entend pas de cette oreille. La Cour constitutionnelle vient de faire les frais de son « pouvoir exceptionnel » pour avoir refusé de se plier à son désir d'approuver le référendum qu'il a prévu le 4 août prochain pour triturer la Constitution. Désormais, Mamadou Tandja a substitué la force du droit au droit de la force dans un pays réputé plutôt stable. Il s'attelle à présent à reconstituer des institutions fantoches pour soigner la « façade démocratique » de son régime en plaçant ses troupes. Mais ce n'est pas gagné. Terrain miné… d'uranium L'armée observe pour l'instant une neutralité plutôt curieuse, en appelant les deux camps à jouer « l'apaisement et la concertation ». Mais elle peut basculer dans un camp comme dans l'autre. A l'étranger, les langues commencent à se délier enfin. La France, ancienne puissance coloniale, qui partage une longue histoire faite de sous et de dessous, semble vouloir cracher sur le cher uranium, appauvri par la méthode Tandja. Une fois n'est pas coutume, Paris est sorti de son silence pesant, en jugeant hier « illégitime » la dissolution de la Cour constitutionnelle. Mieux encore, la France estime que c'est un « signal négatif pour la démocratie nigérienne et la stabilité du pays ». « Cette décision, comme le recours à l'article 53 (...) se situe en dehors du cadre constitutionnel. La France est très attachée au respect des acquis démocratiques et au maintien de la stabilité au Niger et suit avec la plus grande attention l'évolution de la situation », souligne un communiqué du Quai d'Orsay. Il était temps ! Surtout que la France vient de se distinguer par une fermeté peu habituelle à l'égard du régime iranien qu'elle a bruyamment brocardé, estimant qu'il n'a pas respecté le « libre choix du peuple ». Au Niger, le président Mamadou Tandja ne respecte personne, pas même les règles démocratiques qui l'ont porté au pouvoir par deux fois. Il serait donc intéressant de suivre jusqu'où pourrait aller le duo Sarkozy-Kouchner dans sa mission de « sauvegarde de la démocratie » au Niger. Une certitude cependant : Niamey est assurément un terrain miné d'uranium pour Paris.