Les familles des malades que nous avons rencontrées n'en reviennent pas, même celles dont les enfants sont encore scolarisés puisqu'elles ont appris que l'école s'apprête à fermer ses portes “L'Etat ne ménageait aucun effort pour garantir aux handicapés l'éducation, l'enseignement et les stages de formation, afin de faire valoir leurs droits sur le marché du travail sans complexe ou sentiment d'infériorité.” C'est ce qu'a déclaré Bouteflika maintes fois, mais voilà que des enfants handicapés moteurs en âge de scolarité sont privés d'école. C'est le cas de ces familles qui se sont vu refuser l'inscription, pour l'année scolaire 2009-2010, de leurs enfants au niveau de l'école des handicapés psychomoteurs d'El Harrach. La décision aurait été prise par le responsable de la direction générale de la Cnas et par le ministère du Travail dont dépend cet établissement, le seul dans son genre à accueillir cette catégorie de handicapés dans toute la région du Centre. La directrice de cette école nous a confirmé la triste nouvelle en précisant que la décision ne relève pas de ses prérogatives et qu'en sa qualité de responsable de l'établissement elle ne fait qu'appliquer les orientations de sa hiérarchie. Les familles des malades que nous avons rencontrées n'en reviennent pas même celles dont les enfants sont encore scolarisés puisqu'elles ont appris que l'école s'apprête à fermer ses portes. Mme Mansouri, une dame qui réside à Alger et qui a deux enfants handicapés, une fille et un garçon, ne sait plus quoi faire. Alors que sa fille de 12 ans est toujours scolarisée dans cette école, le garçon âgé de 6 ans a vu sa demande d'inscription rejetée au même titre que des dizaines d'autres handicapés en âge de scolarité. “Mon enfant handicapé moteur ne cesse de pleurer, il veut aller à l'école comme tout le monde. Pourquoi cette exclusion ? Pourquoi cette injustice, cette discrimination ? Où est la solidarité ?” s'écrie cette dame en pleurant. Son fils, les larmes aux yeux, nous interpelle lui aussi. “Aidez-moi à rejoindre mes amis à l'école. Ne me laissez pas tomber”, dit-il, en demandant à sa maman de ne pas pleurer. Une image insoutenable qui interpelle les ministres du Travail et de la Solidarité nationale, d'autant plus que cette situation insoutenable est vécue dans la capitale. Dieu seul sait le sort réservé à un enfant handicapé moteur de Béchar ou de Relizane. Un autre père de famille, habitant la banlieue algéroise, est, lui aussi, déboussolé. Il vient d'apprendre que sa fille ne sera pas admise à l'école d'El Harrach. La nouvelle est tombée tel un couperet jetant un grand désarroi dans la famille. “Comment le dirais-je à ma fille qui ne cesse depuis son jeune âge d'attendre ce moment crucial de sa vie pour rejoindre les bancs de l'école ?” “À quoi servent toutes ces lois et toutes ces célébrations sur les handicapés si sur le terrain, il n'y a rien ?” ajoute-t-il, non sans rappeler que l'âge de la scolarité d'un enfant handicapé est l'étape la plus importante de sa vie. “Si ma fille rate encore l'école, cela l'achèvera”, ajoute-t-il. Les spécialistes ne cessent de le répéter, sans l'accès à l'école, il n'y a pas de prise en charge ni d'intégration de la personne handicapée. Et priver un enfant handicapé en âge de scolarité, c'est l'exclure de la société, voire signer hâtivement son acte de décès. L'intégration de l'enfant handicapé passe inévitablement par l'école. C'est, en tout cas, ce que vient de rappeler Mme Mansouri dans une lettre adressée au président de la Commission nationale des droits de l'homme lui demandant son intervention. “Monsieur le président, mon fils n'arrête pas de pleurer en me réclamant l'école comme tous les enfants de son âge. Faites quelque chose”. Ce cri de détresse sera-t-il entendu ? M. T.