Les deux prochaines semaines s'annoncent chaudes au Gabon où le scrutin présidentiel du 30 août, qui désignera le successeur de Omar Bongo, est fortement chahuté. Le 7 août dernier déjà, des milliers de Gabonais ont battu le pavé à Libreville, à l'appel d'une coalition de huit candidats, pour exiger la démission des ministres engagés dans la course électorale. Tous les concernés ayant déjà quitté le gouvernement à cette date, à l'exception du ministre de la Défense, Ali Bongo Ondimba, fils du défunt président, la manifestation était clairement dirigée contre lui. Des slogans exigeant le départ du pouvoir du clan Bongo, qui a régné sans partage pendant plus de quarante ans sur le pays, ont été scandés. La police a alors chargé pour disperser la foule, usant de la matraque et de bombes lacrymogènes. La violence de la répression a été sans commune mesure avec le caractère pacifique de la manifestation qui ne présentait aucun danger pour l'ordre public. Alors que s'ouvrait la campagne électorale samedi, Ali Bongo, candidat à une succession dynastique a fini par quitter ses fonctions ministérielles à contrecœur. La controverse ne s'arrête pas pour autant. La semaine dernière plusieurs candidats ont demandé le report du scrutin et deux d'entre eux ont été empêchés de quitter le pays. La demande de report est motivée par la manipulation des listes électorales exagérément gonflées pour atteindre 1,2 million d'électeurs pour un total de 1,5 million d'habitants. L'opposition estime que 30% d'électeurs fictifs ont été frauduleusement inscrits sur les listes électorales au profit du candidat Bongo, qui bénéficie de solides réseaux au sein de l'armée et de l'administration. Ni la présidente de la République par intérim, ni le Conseil constitutionnel, ni les organismes chargés de la gestion et du suivi de l'élection n'ayant répondu aux doléances des candidats de l'opposition, l'un d'eux, Bruno ben Moubamba, a décidé, fait inédit, de se mettre en grève de la faim depuis samedi, et passe ses journées et ses nuits devant le bâtiment du Parlement. Très entouré, fortement sollicité par la presse locale et étrangère, il est devenu une véritable attraction et suscite beaucoup de sympathie y compris parmi les journalistes. Cette grève de la faim, il la mène “pour l'honneur du peuple gabonais” a-t-il déclaré dimanche. Sur son site Internet on peut lire : “Je suis toujours candidat à la présidentielle… C'est le mérite de l'action qui tranche avec le bongoisme qui se fonde sur l'argent, voire le crime. Or la politique revêt une base morale que beaucoup oublient dans leur course effrénée vers le pouvoir.” Au-delà des irrégularités qui entachent l'organisation du scrutin, les Gabonais sont attentifs à l'attitude à peine ambiguë de la France, dont l'influence est réelle dans le pays. Robert Bourgi, le Monsieur Françafrique de l'Elysée, a récemment déclaré que la France n'avait pas de candidat mais que lui, personnellement, soutenait Ali Bongo. Autant dire qu'il s'agit d'un aveu et que le fils du défunt président est bel et bien le candidat de l'Elysée. Le sujet est largement traité sur divers forums par les internautes gabonais. Même ceux d'entre eux qui ne dénoncent pas l'ingérence française, reprochent à l'Elysée d'avoir misé sur le mauvais cheval. Car, estiment-ils, Ali Bongo n'a ni l'épaisseur ni le tact de son père pour gouverner. Si son élection se confirmait, ils prédisent même de graves troubles dans le pays.