Un groupe terroriste, composé d'une vingtaine d'hommes armés, se réclamant du GSPC de Hassan Hattab, a attaqué, hier, en plein jour, un fourgon bancaire à Aïn El-Hammam. Bilan : trois morts et dix millions de dinars dérobés. Décidément, le terrorisme continue de frapper sans retenue en Kabylie. N'importe où et n'importe quand. Pour preuve, un véhicule blindé de transfert de fonds bancaires a été attaqué à l'explosif, hier, en plein jour sur l'axe routier menant de Larbaâ Nath Irathen à Aïn El-Hammam, à hauteur de la localité de Yehlem, au lieu-dit Tala Icharidène. En ce jour de canicule, tout paraissait pourtant calme et la circulation entre ex-Fort-National et ex-Michelet n'était pas tellement fluide, à l'approche de la mi-journée, à l'heure du déjeuner, et la chaleur torride n'incite guère à prendre la route. Mais c'était compter sans le terrorisme aveugle qui ne perd jamais de temps pour semer la mort et procéder au racket. En un clin d'œil, la route est barrée au moyen d'un fourgon de transport public, car le passage du véhicule blindé de la banque était programmé avec une grande précision, ce qui suppose qu'il y a bien eu complicité au niveau local. Sinon comment expliquer que le véhicule blindé, qui n'avait pourtant pas de jours et d'horaires fixes, ait été intercepté à une heure précise dans ce coin isolé où l'on a enregistré, dans un passé très récent, plusieurs attaques à main armée en raison de l'existence d'un virage en épingle facilitant toute opération de ce genre. Toujours est-il qu'à la vue d'un fourgon de transport, immobilisé au milieu de la chaussée, le véhicule bancaire, une Peugeot 405 super-blindée, dut marquer un temps d'arrêt, et avant que les convoyeurs n'eurent le temps de dégainer leurs armes, une forte explosion secoue tous les parages. Vêtus de treillis militaires et de tenues afghanes, les terroristes s'étaient alors empressés de ramasser le butin qui, aux dernières nouvelles, s'élèverait à quelque dix millions de dinars. En fait, le véhicule blindé appartenait à Amnal, une société privée domiciliée à Tizi Ouzou et spécialisée dans le transfert de fonds au profit des institutions bancaires, de la CNEP, voire des différentes agences de la Caisse de sécurité sociale, implantées un peu partout à travers la wilaya de Tizi Ouzou et qui emploie généralement d'anciens policiers, gendarmes ou militaires retraités comme chauffeurs ou convoyeurs de fonds, comme ce fut, apparemment, le cas pour cette mission tragique d'hier vers Aïn El-Hammam. Aux dernières nouvelles, le convoi attaqué transportait des fonds de la Cnep et de la BDL de Tizi Ouzou vers les surccursales respectives de Aïn El-Hammam, alors qu'il était tout aussi habitué à ravitailler d'autres agences bancaires de la région. Selon quelques informations recueillies sur place, les corps inanimés des trois malheureux convoyeurs ont été projetés sur plusieurs mètres de la chaussée et sont restés exposés durant plus d'une heure sur la route goudronnée, car les services de sécurité et ceux de la Protection civile de Aïn El-Hammam et de Larbaâ Nath Irathen auraient mis beaucoup de temps pour rallier le lieu du drame, situé à mi-chemin entre les deux chefs-lieux de daïra, soit à une dizaine de kilomètres environ de chaque localité. Il est vrai qu'en de tels scénarios déjà bien connus, d'autres embuscades sont toujours redoutées, ce qui expliquerait, en partie, la lenteur des secours, comme ce fut le cas, tout récemment, sur l'axe routier menant de Tizi Ouzou vers Beni Douala où, rappelons-le, neuf policiers ont été tués par une forte explosion suivie d'autres embuscades planifiées à l'avance pour contrer tout éventuel renfort ou tentative d'assistance. En fait, il aura fallu, hier, l'intervention de l'ANP, appuyée par un avion militaire, pour permettre le bouclage de la région, l'arrivée des secours et enclencher l'opération de recherche des terroristes, une vingtaine, qui se seraient aussitôt volatilisés en direction de Aïn El-Hammam à bord de deux fourgons de transport et un taxi jaune subtilisés à des passants, d'autant plus que la route vers Larbaâ Nath Irathen fut aussitôt barrée par un énorme cratère provoqué par la forte explosion, laquelle a tout simplement déchiqueté le véhicule blindé, puisque des morceau de tôle fragmentés et des pièces détachées étaient éparpillés sur plusieurs dizaines de mètres à la ronde. Un témoin raconte : “Ce sont des terroristes du GSPC de Hassan Hattab !” Le premier fourgon de transport public qui a été braqué par les terroristes venait de Aïn El-Hammam et descendait vers Larbaâ Nath Irathen. Un des passagers qui avait l'air terrifié bien après le drame avait bien du mal à relater ce qu'il avait vécu. Il a réussi, toutefois, à nous apporter un témoignage édifiant : “Il était exactement 11h15, dit-il, lorsque notre fourgon de transport fut intercepté par trois hommes barbus postés au milieu de la chaussée et portant des tenues afghanes. Sur le coup, nous avions sérieusement paniqué, mais les terroristes avaient tenu aussitôt à nous calmer. Les trois parlaient aisément en kabyle. Les autres, beaucoup plus nombreux, étaient postés sur les deux côtés de la route. Les uns étaient habillés en tenues militaires les autres portaient des tenues afghanes et étaient tous armés de kalachnikovs, de séminovs et de fusils de chasse”. “N'ayez pas peur, nous ont-ils dit, nous sommes des moudjahidine du GSPC de Hassan Hattab et nous n'avons aucun problème avec echchaâb. Nous sommes de la Daâwa Salafia et notre ennemi est le pouvoir”, relèvera notre témoin qui se rappellera d'ailleurs qu'une jeune fille, sans doute une étudiante, car elle portait un cabas et un cartable, fut alors prise de malaise et a failli même s'évanouir. “N'ayez pas peur mademoiselle, n'ayez pas peur, nous ne vous voulons aucun mal !”, lui aurait dit un homme armé. “Ils nous firent descendre du fourgon, y compris le chauffeur, ils ne procédèrent à aucun contrôle d'identité et nous invitèrent ensuite à quitter les lieux. Ils avaient l'air énervés, dit-il, et donnaient la nette impression d'avoir organisé un guet-apens car ils ne cessaient de scruter l'horizon en direction de Larbaâ Nath Irathen.” Avec l'émotion qu'il n'arrivait pas à surmonter, plusieurs heures après le drame, notre témoin se rappellera qu'il avait oublié son cartable resté dans le fourgon pris en otage. “Au moment où nous nous apprêtions à quitter les lieux pour rebrousser chemin à pied, j'avais réalisé que j'avais oublié mon cartable à bord, mais l'un des hommes armés m'a pris calmement par l'épaule pour m'aider à le récupérer. Et dès que nous nous sommes éloignés, l'on entendit alors une forte explosion. L'on s'est mis tous à courir sur la route menant vers Aïn El-Hammam tout en faisant signe aux automobilistes de rebrousse chemin. D'ailleurs, certains automobilistes nous ont pris en cours de route. Nous avons appris par la suite que c'était un véhicule blindé qui devait ramener de l'argent vers la Casoral de Aïn El-Hammam qui avait été attaqué”, poursuit le même témoin. En fait, l'on finira par savoir, en fin d'après-midi, que la Peugeot 405 blindée appartenait à la société privée Amnal, spécialisée dans le transferts de fonds et qui devait, donc, alimenter plusieurs agences bancaires de la localité de Aïn El-Hammam. En fin de journée, la route menant de Larbaâ Nath Irathen vers Aïn El-Hammam avait été occupée par un fort contingent de l'ANP alors que des avions militaires tournoyaient tout autour de la Haute Kabylie au moment où des engins de la Protection civile tentaient de retirer le véhicule déchiqueté à l'intérieur d'un véritable cratère engendré par la violente explosion. À Aïn El-Hammam et à Larbaâ Nath Irathen, comme partout ailleurs en Kabylie, cette tuerie en plein jour aura provoqué beaucoup d'effroi et surtout d'interrogations, car la recrudescence du terrorisme en Kabylie suscite de plus en plus d'inquiétude et surtout de commentaires. Le comble est que ce nouvel acte terroriste a été perpétré le jour même où... le Directeur général de la sûreté national (DGSN) Ali Tounsi était en visite à Tizi Ouzou, où il a inauguré une nouvelle caserne de la BMPJ et un nouveau commissariat de 6e arrondissement de la Nouvelle-ville, tout en annonçant un renfort de cinq cents policiers pour la seule wilaya et ce, afin de lutter contre le banditisme et... le terrorisme. C'est dire que la kabylie est désormais exposée à la spirale du terrorisme et se trouve de plus en plus tourmentée par des lendemains d'angoisse et d'incertitude. M. H.