Le mois sacré du Ramadhan est accueilli chez les familles constantinoises par certains rituels culinaires qu'on éprouve souvent de la peine à retrouver ailleurs. Ces traditions particulières à la ville et à sa région sont perceptibles dès la veille de l'avènement du quatrième pilier de l'Islam ou à l'occasion du premier f'tour. Qu'elles soient riches où de ressources limitées, les familles constantinoises s'arrangent comme elles peuvent pour avoir sur leur maïda tadjine el-aïn, un mets savoureux à base de pruneaux écrasés auxquels on ajoute des noisettes et de la viande de préférence bovine saupoudrée de sucre raffiné. Ces signes sont également perceptibles à la vue des traditionnels plats de chorba à base de frik ou blé séché, grillé, broyé et écrasé qui ne doit plus quitter la table du f'tour durant toute la période du jeûne. Cette céréale qui remplace au fil des jours l'éternel vermicelle a été, auparavant, très soigneusement nettoyée, sassée, triée avant d'être étalée et exposée çà et là au soleil pour être séchée naturellement sous la garde vigilante des aînées soucieuses de la préserver, notamment des volailles friands de ces grains et d'éventuelles actions indésirables à même d'altérer leur qualité. “Les maîtresses des lieux se doivent bien de protéger et assurer la pérennité de ce legs ancestral hérité de mère en fille et faisant, sans conteste, la fierté des Constantinoises”, a affirmé avec fierté amma Zineb, une septuagénaire à la démarche encore solide malgré le poids des années. “Ces femmes qui se sentent responsables de la sauvegarde de ce genre de coutumes et la perpétue fidèlement aux futures mères de famille se doivent d'initier leurs filles et même celles des voisines au secret, pourtant jalousement gardé, de la préparation idéale de ce mets que l'on ne pourrait en aucun cas ne pas apprécier ou dédaigner”, a-t-elle encore souligné. “Ces mets sucrés sont à même de remplacer la quantité calorifique dépensée par l'organisme durant les heures de l'abstinence”, croient savoir la plupart des ménages de Constantine et de ses environs. Le plat de “résistance ne doit en aucun cas être dépourvu de l'odeur de la viande, qu'elle soit rouge ou blanche”, explique une ménagère pour qui l'omniprésente zalabia et kalb elllaouz doivent garnir la table de Ramadhan, notamment pendant les longues soirées familiales autour d'un plateau de café, de charbat, de thé et de lait bouilli. Le premier jour de ce mois sacré est également accueilli à Constantine par la préparation d'un tajine plus traditionnel qu'on appelle “ghraief” ou “qarça”, plus connu au centre et à l'ouest du pays de “baghrir”. L'éternel “assel horra” ou miel pur doit être à portée de main pour que cette dernière soit dégustée convenablement et appréciée à sa juste valeur.