Le président de la Commission de protection des droits de l'Homme considère que la réconciliation nationale a atteint quasiment ses objectifs, ce qui rend, selon lui, nécessaire le passage à l'étape de l'amnistie générale pour tourner définitivement la page des années de violence islamo-terroriste. Paradoxe saisissant : c'est au moment où il est question d'un aggiornamento au sein de la Commission de promotion des droits de l'Homme pour la mettre en cohérence avec “les conventions pertinentes de l'ONU” que Farouk Ksentini, logiquement en fin de mission, soulève un gros lièvre. Encore un autre ! Mardi, sur les ondes de la radio, il affirme que “l'amnistie générale”, un mot tabou, il n'y a pas si longtemps, ne serait plus qu'une question de calendrier. “Je pense que 2010 sera l'année de l'amnistie générale pour tourner la page”, plaide-t-il en espérant qu'“il y aura cette amnistie pour tourner définitivement la page”. Même si Farouk Ksentini prend la précaution de parler en son nom personnel et d'évoquer ce projet politique sur le mode de l'hypothétique, son propos est à prendre néanmoins avec beaucoup de sérieux compte tenu de sa proximité avec la présidence de la République dont sa structure relève. On l'a vu par le passé faire des annonces qui se seront par la suite confirmées. Dans son rôle de poisson-pilote, le président de la Commission de promotion des droits de l'Homme affiche sa préférence pour le référendum. “Le référendum est sans doute le meilleur moyen pour que le peuple donne son avis sur ce dossier sensible”, appuie-t-il en considérant que l'Algérie avait bien vécu “une guerre civile”. Encore un mot que ni le pouvoir ni l'opposition n'avaient la témérité d'utiliser, lui préférant celui pudique et fourre-tout de “tragédie nationale”. Le fait pour lui d'avancer une date, approximative bien sûr, et une modalité, le référendum, est signe que l'amnistie générale est un projet arrivé à maturité au plus haut niveau de la décision politique. Il s'agira désormais de passer à une autre étape celle de le “vendre” à l'opinion et dans cette optique Farouk Ksentini porte les habits de VRP pour le compte du président Bouteflika qui s'est pourtant scrupuleusement gardé dans ses discours de parler ouvertement d'amnistie générale. Sauf à l'occasion de son discours à la coupole du 5-Juillet au moment où il annonçait sa candidature pour le troisième mandat. Un silence somme toute tactique puisque les autres, notamment Belkhadem et Abou Djerra Soltani n'ont eu de cesse d'appeler à “l'approfondissement de la politique de réconciliation nationale”, une formule sibylline dont le véritable sens chez ces deux acteurs politiques n'échappe pas aux observateurs avisés de la scène politique. Il y a un peu plus d'une semaine, faisant l'écho à Belkhadem, le patron du MSP déclarait, sans ambages, à l'université du parti à Boumerdès que “la priorité” pour son parti était l'amnistie. Et les déclarations de Ksentini avant-hier s'inscrivent dans la même logique, chacun intervenant selon un timing précis. Dans son plaidoyer, il estimait que “la réconciliation nationale a sans doute réalisé ses objectifs à 80% ou 90%, il reste à prendre en charge les parties non encore prises en compte comme les internés du Sud qui ont besoin d'une indemnisation et d'une réhabilitation”. Et de son point de vue, le cas de ces 1 800 00 détenus et de tous les terroristes qui sont en attente de reddition dans les maquis, doit trouver sa solution dans la troisième étape du processus dont les deux précédentes étaient la concorde civile puis la réconciliation nationale. Mais au-delà du propos de Ksentini qu'il faut prendre en considération, c'est de se demander sur quel paramètre est basée l'opportunité politique d'un référendum pour l'année prochaine ? Comment aller vers l'amnistie, alors que les actes de violence islamo-terroriste continuent d'être perpétrés, que les familles des disparus crient à l'amnésie, que les familles des victimes du terrorisme hurlent leur indignation. À moins qu'il s'agisse dans l'esprit des adeptes de l'amnistie de forcer le destin et de mettre tout le monde devant le fait accompli à travers un référendum approbateur, dont le but politique suprême est de plomber définitivement la période de violence terroriste. Avec ce risque cependant de miner la mémoire et de piéger l'avenir. Car une fois l'amnistie actée, aucune institution ne sera fondée à refuser Ali Benhadj et ses amis de revenir sur la scène politique et créer un ersatz du FIS pour, au final, ramener le pays à la case départ.