Le procédé, inédit, vise sans doute à écarter les walis trop indépendants pour “préparer” la candidature de Bouteflika à la présidentielle. Bouteflika avait entamé son mandat par une opération coup de poing contre les walis. Quelques mois après son intronisation, il en avait limogé une vingtaine dans ce qui était censé être le signal de départ d'un combat implacable contre la corruption dans les services de l'Etat. Le problème c'est que la liste n'était pas bien ciblée. Les plus compromis n'y figuraient pas spécialement. Et les sacrifiés n'étaient pas tous des pourris. Qu'importe, le tout nouveau Président voulait frapper les imaginations. Et les walis étaient apparus comme une cible précieuse eu égard à leur influence comme relais régional du pouvoir central. Quatre ans après, les voilà de nouveau dans la ligne de mire présidentielle. Leur gestion doit passer au crible de ce qui se veut une “enquête d'appréciation” concernant les 48 hauts fonctionnaires. Une première dans le pays. Jusque-là, l'enquête, sauf cas exceptionnel, concernait les candidats au poste de wali. Il s'agit de l'enquête d'habilitation concernant toutes les personnes susceptibles d'occuper des fonctions importantes dans les rouages de l'Etat. Ce n'est pas le cas de l'enquête d'appréciation qui vient d'être lancée sur instruction de la présidence. La sémantique est précieuse. Appréciation implique évaluation qui, à son tour, implique sanction. Positive ou négative. L'enquête en question précède, selon de bonnes sources, un mouvement qui doit être effectué dans les prochaines semaines. Et qui sera fonction des notes obtenu par les concernés. Mais, en ces temps de pré-campagne, les critères d'évaluation soulèvent des interrogations. Le bilan attendu de l'enquête ne serait-il pas le prétexte à une purge pour liquider les walis les moins dociles en perspective de l'autre campagne, celle qui devrait conduire au maintien de Bouteflika au palais d'El-Mouradia ? En tous les cas, l'opération n'est pas exempte d'arrière-pensées. On peut déjà parier, sans le moindre risque d'erreur, du sort qui sera réservé au wali de Blida. Impliqué ostensiblement dans la conspiration anti-FLN, il a dérogé à la règle d'or de la neutralité de l'administration expressément affirmée par la Constitution. En cela, il a, bien sûr, pris exemple sur le ministre de l'Intérieur. M. Zerhouni sanctionnera-t-il un de ses subordonnés qui a eu la “délicatesse” de l'imiter ? Mais Bouteflika se considère engagé dans une bataille décisive qui n'autorise aucune neutralité. Pour ou contre, semble-t-il vouloir nous avertir ! Cette affaire s'ajoute à celle révélée par notre confrère Le Soir ayant trait à un renouvellement houleux dans le corps des chefs de daïra. En effet, le torchon brûlerait entre le frère du Président et le ministre de l'Intérieur à propos de la nomination des chefs de daïra. La liste concoctée par Saïd Bouteflika et transmise pour application au département de Zerhouni n'est composée, selon notre confrère Le Soir d'Algérie qui a rapporté l'information dans son édition d'hier, que des “membres de comités de soutien au programme présidentiel et de quelques lettrés représentant les zaouïas influentes” pour les mettre à contribution le moment venu, c'est-à-dire pendant la campagne électorale et le jour du scrutin. Cette liste n'a pas agréé les responsables du ministère concerné, non pas pour le choix de personnes toutes dévouées à la candidature de Abdelaziz Bouteflika, mais parce qu'elles ne disposent pas de qualifications requises et de technicité particulière pour favoriser l'actuel locataire de la Présidence et lui assurer, à coup sûr, le second mandat. Ce dernier est tellement désiré par les “amis” qu'il suscite des excès de zèle, de la surenchère et surtout des dichotomies et une cacophonie dans le propre camp du Président-candidat. Cette guerre de position entre la “fratrie et les copains” fera des victimes ou du moins laissera des séquelles entre les deux ailes du même clan. Elle montre aussi que les moyens de l'Etat censés être neutres, particulièrement le département ministériel qui a la charge d'organiser les élections, sont sans retenue mis au service d'un homme. R. B. Le “coup de pied” de 1999 : 16 walis radiés Le 22 août 1999, quatre mois après son élection, le président de la République annonçait avec un grand fracas médiatique un “mouvement en profondeur” dans le corps des walis. Par son ampleur, le mouvement était sans précédent. M. Bouteflika, qui avait fait de la lutte contre la corruption un thème phare de sa campagne électorale, voulait faire croire à une détermination de sa part à mettre en œuvre ses engagements. Il avait frappé fort. Qu'on en juge : une vingtaine de walis avaient été relevés, tous promis au purgatoire. Seize d'entre eux avaient été radiés de tout emploi dans la Fonction publique. Six autres, radiés de leur corps, avaient été mis en congé spécial. Pour l'ensemble, cependant, le chef de l'Etat avait promis de leur épargner les poursuites judiciaires. Dans l'ambiance de la “concorde civile”, il n'était pas de bon ton de traîner devant les tribunaux des serviteurs de l'Etat. Dussent-ils avoir été indélicats. C'est que les tribunaux autorisent des étalages qui irritent parfois les sens. La seule sanction administrative était, en réalité, une pirouette destinée à contourner ces étalages. “Les décisions de radiation de la Fonction publique, qui ne sont que les premières d'une série qui suivra, montrent que M. le président de la République a voulu, en cela, s'en tenir à des mesures purement administratives afin de mettre fin à la dépravation et à la désinvolture, évitant ainsi le recours aux poursuites judiciaires et les suites qui pourraient en découler”, justifiait alors un communiqué officiel. Même en termes de sanctions administratives, la présidence s'était rattrapée. Elle avait mis en place une commission de recours, présidée par l'actuel ministre de la Justice, Mohamed Charfi. Pourtant, les “répudiés” n'avaient pas tous consenti à présenter des recours. Certains subodoraient déjà l'allégeance qui leur était demandée. R. B.