Le torchon brûle entre Londres et Tripoli. Après les fracassantes révélations de Seif El Islam Kadhafi sur le prix payé par son pays aux Britanniques pour obtenir la libération de son concitoyen, Abdelbasset Ali Mohamed Al-Megrahi, des geôles écossaises, Londres est passé à l'offensive. Le Premier Ministre Gordon Brown a annoncé qu'il allait mobiliser une équipe au sein du ministère des Affaires étrangères pour aider les familles de victimes de l'IRA dans la plainte qu'ils ont déposée contre la Libye pour collusion avec l'IRA. Seif El Islam Kadhafi, le fils du leader Mouammar qui vient de fêter en ces temps de crise économique et d'incertitudes dans les lendemains le quarantième anniversaire de son pouvoir, avec un faste inégalée, a déclaré que son pays n'a pas l'intention d'indemniser les familles de victimes de l'Armée républicaine irlandaise (IRA). L'aîné de Kadhafi, qui piaffe d'impatience pour succéder à son père, et qui, dans l'attente de cet héritage, tient un rôle de premier plan, notamment dans les affaires peu avouables, au prétexte de raison d'Etat, a déclaré à la chaîne de télévision britannique Sky News que l'affaire se réglera devant les tribunaux. “Nous avons nos avocats, ils ont les leur”, a-t-il déclaré, ce qui confirme bien que le dossier est arrivé à maturité devant les juridictions britanniques. La Libye est accusée d'avoir été l'un des principaux fournisseurs d'armes et d'explosifs à l'IRA qui les a utilisées dans de multiples attentats. C'est un changement de position radical du gouvernement britannique sur le sujet et il n'est pas sans lien avec la controverse qui a suivi la libération pour raisons “médicales” d'Abdelbasset Ali Mohamed Al-Megrahi, le Libyen condamné pour l'explosion d'un Boeing 747 de la compagnie américaine Pan Am au-dessus de Lockerbie, en Ecosse le 21 décembre 1988 et qui avait fait 270 morts dans l'appareil et 11 victimes au sol. Seif El Islam a déclaré, à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, que la libération d'Al-Megrahi était au cœur de contrats commerciaux conclus avec la Grande-Bretagne. Les officiels britanniques ont démenti ces allégations, mais le coup du dauphin de Kadhafi a porté. Les faramineux contrats ont eu une contrepartie. Des familles des victimes de l'IRA se sont organisées pour arracher des indemnités de la part de Tripoli qui a des antécédents dans ce domaine. Kadhafi a déjà payé et chichement les parents des victimes de deux crashs aériens dont ses services ont été jugés coupables, outre l'avion de Lockerbie, un autre de l'UTA dans le désert de N'djamena. Les avocats des victimes de l'IRA se frottent les mains : l'affaire devant les tribunaux est à leurs yeux l'indice que le processus menant à des indemnités est en route. Tripoli est riche et Kadhafi est prêt à tout pour être admis dans le concert des Occidentaux. Le guide de la révolution verte s'est défait depuis un bon temps de l'image d'ami de révolutionnaires et d'empêcheurs de tourner en rond.