Le périple maghrébin de Musharraf a été l'occasion pour ses hôtes d'aborder avec lui la question du terrorisme islamiste. La Tunisie, l'Algérie et le Maroc en sont encore sous la menace, et le Pakistan, bien qu'il s'en soit dédouané depuis septembre 2001, a constitué pour ce phénomène transnational une solide base-arrière, notamment via l'Afghanistan des talibans qu'il avait boosté. Ben Laden, fondé de pouvoir de cette nébuleuse internationale, court toujours, en dépit de la traque US et de la mise à prix de sa tête. Les talibans ne sont plus au pouvoir à Kaboul, mais lui reste insaisissable. On dit qu'il s'est réfugié dans la zone tribale, un no man's land entre l'Afghanistan et le Pakistan, et on s'interroge sur le manque d'empressement à le déloger de cette région où les services secrets de Musharraf ont leurs entrées. Par ailleurs, même en Afghanistan, la situation est loin de se normaliser. Le gouvernement de Karzaï tient grâce au corps expéditionnaire américano-franco-allemand. La manne internationale ne s'étant pas déversée comme promis, les talibans ont refait surface. Quotidiennes, les attaques terroristes visent les forces étrangères, les bureaux des ONG et les autorités afghanes. De même qu'ont repris les tentions entre les chefs tribaux qui défient les gouverneurs de Karzaï. Le processus de paix, pour le représentant des nations unies en Afghanistan, Lakhdar Brahimi, n'a pas encore atteint le stade où on peut dire qu'il est “irréversible”. Les Américains redoutant que ce regain d'activités des talibans ne vire au chaos doivent ouvrir le front des zones tribales mais, pour les sécuriser, ils doivent exercer d'autres pressions sur Musharraf qui, lui, estime qu'il a déjà donné plus qu'il n'en faut. Sa virée au Maghreb, dans le prolongement de ses visites en Europe, c'est également pour essayer de desserrer l'étau américain dont il est redevable. Cela dit, Al Qaïda a laissé des plumes sans pour autant perdre toutes ses capacités de nuisance. Il faut se garder de perdre de vue que cette internationale de l'islamisme radical a formé de 70 000 à 120 000 activistes dont une partie est en état de veille un peu partout à travers le monde. Selon une enquête menée par le Congrès américain sur le 11 septembre 2001, 3 000 membres de ses réseaux ont été neutralisés dans 90 pays (65% de sa chefferie ont été soit capturés, soit sont morts) et quelque 137 millions de dollars ont été gelés dans les comptes appartenant aux réseaux d'Al Qaïda. Mais ces chiffres ne concernent que l'aspect apparent de l'iceberg. Pour les réseaux dormants, Bush compte sur un meilleur rendement de ses propres services qu'il a unifiés au sein du “Terrorist threat intégration center” et sur la participation “plus active” des pays qui l'ont rejoint dans sa coalition anti-terroriste. Lors de son périple africain, le président américain a énoncé ce qu'il attend dans ce domaine, affirmant que la guerre contre le terrorisme continue. La lutte anti-terroriste a beau être de portée internationale et rallier aujourd'hui l'Arabie saoudite qui a été le concepteur, le propagateur et le financier de l'islamisme radical, il reste qu'Al Qaïda fait encore parler d'elle. Ben Laden nargue régulièrement Bush par des messages audio et il tente même de s'incruster en Irak où la branche irakienne d'Al Qaïda revendique la paternité des attentats qui ciblent sans répit les forces américaines. La situation est d'autant plus préoccupante pour Bush que l'Irak risque d'évoluer dans une direction plus ou moins identique à l'Afghanistan où Karzaï ne règne qu'à Kaboul. Cela au moment où il s'apprête à solliciter un second mandat de la part de ses électeurs qui s'interrogent eux aussi sur son aventure à Bagdad. D. B.