La librairie Algérie News a abrité, avant-hier soir, une projection en avant-première du film documentaire — d'une heure et demie — Lamine La fuite, de Samia Chala. C'est l'histoire d'un jeune chômeur qui ne rêve que de “heda”, que d'un visa pour l'Europe. Il souhaite quitter sa ville, Alger, et cherche à fuir sa monotonie et son vide. Sans espoir, sans perspectives et sans instruction, Lamine est de ceux qui croient que l'herbe est plus verte de l'autre côté. La caméra de Samia Chala suit Lamine, un antihéros tellement représentatif de la jeunesse actuelle ; elle le filme mais n'intervient jamais. Telle une sentinelle, la caméra observe et rapporte les faits, les gestes et les témoignages de Lamine, tellement vrais et si malheureux que l'empathie envahit le spectateur à la vue de son visage si expressif. Heureusement pour lui et pour le grand plaisir des spectateurs, Lamine est un tchatcheur, qui a le verbe haut et beaucoup d'humour, ce qui lui permet de faire face aux malheurs qui l'accablent. La caméra filme Lamine dans sa vie quotidienne ; mais ces séquences sont également ponctuées par des interviews que l'informateur accorde à Samia Chala. Il y raconte sa vie, ses rêves qui s'arrêtent au bout de l'horizon, et sa vie qu'il veut construire de l'autre côté de la Méditerranée. Grâce à l'aide de son producteur, Samia Chala réussit à obtenir un visa pour Lamine qui débarque ainsi en France. Commence alors une véritable descente aux enfers. Pour son grand malheur, Lamine ne connaît rien de la France qu'il découvre et explore par ses souterrains : ses métros. Ce qui accentue encore plus son désarroi, c'est que la plupart des personnes qui lui ont promis de l'aider, le lâchent ou le laissent tomber, car les temps sont durs, la vie est rude et Lamine est seul, sans papiers, sans travail, sans logement et sans ressources. Il connaît alors la précarité et réalise que l'image qu'il se faisait de l'Occident était erronée et très idéale. Il prend alors une décision très courageuse et sensée : rentrer au pays. Il apprend malgré tout une grande leçon : la misère est moins pénible au soleil. Le documentaire de Samia Chala est audacieux, touchant et vrai. Elle a choisi un cas pour parler du thème de la jeunesse d'aujourd'hui et son rapport à l'émigration. Pourquoi les jeunes fuient-ils le pays ? Comment est la vie de l'autre côté ? Cependant, le documentaire semble suivre une logique qui gâche la spontanéité de Lamine : lorsque l'informateur était en Algérie, les plans étaient pour la plupart des extérieurs qui laissaient entrevoir la beauté d'Alger… – la Blanche – qui n'est d'ailleurs plus aussi blanche qu'avant. En France par contre, la plupart des séquences ont été filmée dans des cafés, des métros où des appartements ou alors c'était du haut d'une cité, avec une vue horrible sur le tramway. Et puis, il y a le retour de Lamine au pays. C'est très idyllique comme vision, car très peu de jeunes reviennent, quitte à mourir sur place. Samia Chala n'est certes pas intervenue dans les propos, mais elle a bien orienté sa caméra. Techniquement, le film n'est pas une véritable réussite, parce qu'il ressemble plus à un reportage qu'à un documentaire, d'autant qu'il répond aux questionnements qu'il suscite et qu'il dure beaucoup trop longtemps, puisqu'un 52 minutes aurait largement suffi ; ajoutez à cela, l'absence quasi totale d'une revendication artistique. En dépit de ces moments difficiles, chapeau bas à l'artiste Lamine, éblouissant par sa sincérité.