Lors de son discours, qui a duré plus d'une heure et demie, le patron du parti majoritaire n'a pas hésité à brocarder le Président et ses alliés dans l'administration. Ali Benflis semble déjà parti en campagne pour 2004. Et pour narguer ses adversaires, il l'entame dans ce qu'ils ont voulu faire passer pour une de leurs places fortes : la ville de Blida où la mouhafadha a été l'une de leurs premières cibles. Tout un symbole. Lors d'un meeting organisé jeudi dans la ville des Roses, le leader du Front de libération nationale (FLN) est apparu comme un candidat en campagne pour la prochaine élection présidentielle. À son arrivée dans la salle Baâziz, le patron du parti majoritaire a été salué par les acclamations d'une foule évaluée à 3 000 personnes aux cris de “Benflis Président !”. Face à lui, il n'y avait pas que des militants de base. On comptait aussi des ministres (Fatma-Zohra Bouchemla, Abdelmadjid Attar, Abdelkader Sallat, Zinedine Youbi), des parlementaires, des membres du bureau politique (BP), des membres du comité central (CC), le mouhafedh de Blida, ainsi que des responsables de kasma. Le discours prononcé illustre l'ambition de l'homme fort du FLN et l'envergure dont veulent le créditer ses militants. Il faut dire également que, souvent dans son discours, Benflis s'est adressé à “tous les Algériens”. En somme, un programme de candidat : “Je n'ai pas de temps à perdre dans les commentaires et les discussions de café, je préfère regarder vers l'avenir et parler de ce que sera l'Algérie de demain”, a-t-il affirmé d'emblée. Bouteflika et Zerhouni brocardés D'une durée de 90 minutes, le discours est parsemé d'allusions incisives derrière lesquelles se profile le président de la République. Ainsi, l'ex-directeur de campagne de Bouteflika affirme qu'il refuse de s'adresser à ceux “qui ont raté le train, qui sont bloqués dans les années 1970 et qui continuent à penser que les Algériens doivent être dirigés comme un troupeau de moutons”. À ces retardataires de l'histoire, Benflis recommande de “ne pas se tromper de peuple, d'époque et de pays”. Il exprime son refus de voir l'Algérie s'enfoncer “dans la haine et le mépris” des citoyens. “On ne veut pas d'un Etat qui soit dirigé au gré des humeurs, de la tricherie, du mensonge, des blocages et avec un édifice institutionnel frauduleux !”, tranche-t-il. Et à l'adresse du ministre de l'Intérieur : “un Etat fort, c'est celui qui consacre la volonté populaire” et non celui qui “incite à attaquer les mouhafadhas”. “Mercenaires !”, répond l'assistance interrogée sur l'identité de ces agresseurs. Contre l'asservissement de l'administration Evoquant par ailleurs le prochain rendez-vous électoral, Benflis doute de sa transparence, compte tenu de l'implication de l'administration dans la conspiration sans précédent qui cible l'ancien parti unique. “L'Etat auquel nous croyons est un Etat où il n'y a pas de fraude, de triche et de détournement de la volonté populaire !”, affirme-t-il. “Le peuple donne des prérogatives aux élus mais, dans la gestion des affaires publiques, on installe un concept singulier qui ressemble singulièrement à une gestion des communes mixtes”, ajoute-t-il pour illustrer la volonté d'asservissement de l'administration. “Le service public de la justice, du ministère de l'Intérieur, des affaires étrangères, de l'école publique, de la santé publique doit être à l'abri de l'interventionnisme politique et politicien et doit être tenu à distance de la vie partisane”, préconise-t-il. Benflis revendique un statut pour protéger les walis, les chefs de daïra, les directeurs de l'exécutif. “Ce sont ces corps-là qui assurent la pérennité de l'Etat, il faut donc les mettre à l'abri des intérêts, des partis, des tendances et des humeurs”, explique-t-il. Le FLN est souverain dans ses décisions Dans une salle jouxtant le siège de la wilaya, la sono diffuse à pleins décibels, pour que le wali ne rate rien de la diatribe contre ses protecteurs. “Nous sommes un parti qui croit en les institutions, et les partis politiques sont des institutions dans l'édification démocratique”, a souligné Benflis. Il rappelle que le néo-FLN “ne se soumettra à aucune injonction”, malgré les déboires qu'il connaît depuis sa décision de s'affranchir de la tutelle du président Bouteflika. “Le destin du parti, ce sont les militants qui le décident, ce n'est pas l'administration qui le leur dicte et quel que soit le responsable de cette administration !” Sans manifester de signe de désarroi, il tranche encore : “Les méthodes de gestion du passé sont définitivement révolues.” N .M.