Somme toute, cela va de soi en Afrique. Le président sénégalais Abdoulaye Wade, “appelé” par son électorat à se présenter lors du scrutin présidentiel de 2012, est passé d'une candidature virtuelle à une autre déclarée. Le suspense est fini : dans une interview à la Voix de l'Amérique, à Washington, comme s'il voulait narguer son homologue américain Obama qui a condamné depuis Accra cette pratique courant désormais en Afrique de réélire les chefs d'Etat jusqu'à leur mort ou à leur destitution par un coup de force, le vieil avocat annonce qu'il sera effectivement en course. “Inch'Allah, si Dieu me laisse longue vie, me laisse mon cerveau et ma santé, je serai candidat.” Wade aura plus de 86 ans en 2012, et il compte bien briguer un troisième mandat. Ces dernières semaines, plusieurs cadres du régime avaient fait entendre leur voix pour l'appeler à se présenter, comme pour ne pas faillir à une tradition bien ancrée chez les président africains qui rempilent sans cesse au prix de révisions permanentes de Constitutions qu'ils ont pourtant et bien souvent eux-mêmes confectionnées. À l'opposition, qui a soulevé l'inconstitutionnalité d'une telle candidature, le nombre de mandats du président étant limité à deux par la Constitution, Wade répond, d'ores et déjà, qu'il a le droit d'être candidat. “Je crois qu'il y a des gens qui réclament la démocratie et qui ne sont pas des démocrates, a indiqué le président sénégalais dans cette interview. Il faut laisser la voix au peuple sénégalais. C'est à lui d'apprécier les candidats, que chacun se présente et que le jeu soit ouvert.” Qu'à cela tienne, le président sénégalais révisera la Constitution, comme vient de le faire son homologue du Niger et qui est passé comme une lettre à la poste en dépit de fortes oppositions et de turbulences sur la scène politique nigérienne. En fait, Wade se représente parce que son fils, qu'il avait désigné comme son dauphin, n'a aucune chance de passer. Karim Wade a échoué dans sa tentative de s'emparer de la mairie de Dakar aux dernières municipales et fait l'objet de polémiques pour sa gestion de l'Agence nationale pour l'Organisation de la conférence islamique… Une gestion épinglée dans le livre Contes et mécomptes de l'ANOCI qui s'arrache au Sénégal. “Pour s'attaquer à moi, on s'attaque à Karim”, a estimé Wade. Plus que sa candidature elle-même, c'est sa précocité qui est surprenante: Wade déclare ses intentions deux ans et demi avant le scrutin présidentiel de 2012 et le moment de son annonce a de quoi étonner. Le contexte n'est pas porteur, la banlieue de Dakar est sous les eaux et sans électricité. Il semble que cette annonce est destinée surtout à éviter l'éclatement qui sourde au sein du parti libéral de Wade ou la guerre de succession est ouverte. En se projetant dans 2012, Wade espère remettre de l'ordre dans ses rangs...