“La glorification de la collaboration par nos ennemis d'hier constitue une attitude indécente qui inspire le rejet”, a déclaré le président de l'ONM, M. Saïd Abadou dimanche à Biskra. Février se réinvite en septembre dans le ciel brumeux des relations algéro-françaises. Le gros nuage est nourri par la proposition d'amendement de la loi du 23 février faite par 48 députés de l'Assemblée française. Presque un retour au texte initial glorifiant le fait colonial avec cette fois une prime pour les collabos. “L'héroïsme” des harkis est enfin reconnu par l'ancienne puissance coloniale qu'ils ont aidée durant la guerre de Libération. Mais cette fois, la réaction algérienne ne s'est pas fait attendre. Elle vient sous forme d'un tir commun de la Fondation du 8-Mai 45 et de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM). L'ONM a dénoncé avec véhémence l'initiative des députés français. “La glorification de la collaboration par nos ennemis d'hier constitue une attitude indécente qui inspire le rejet”, a déclaré son président Saïd Abadou dimanche à Biskra. Il a répondu ainsi au secrétaire d'Etat français à la Défense et aux Anciens combattants, Hubert Falco, qui avait annoncé les futures mesures en faveur des harkis. M. Falco a précisé que la reconnaissance envers cette communauté, estimée aujourd'hui à 40 000 personnes, descendants inclus, doit être morale, sociale et économique. “Les moudjahidine, qui n'imaginaient pas que les Français puissent cultiver à ce point le goût de la glorification de la collaboration, pendant la lutte armée, ne peuvent que ressentir du rejet devant une telle attitude”, a répliqué M. Abadou. Et à juste titre, il s'interroge : “Depuis quand la traîtrise et la collaboration constituent-elles une valeur pour le peuple algérien ou pour tout autre peuple ?” Il a enfin appelé à s'inspirer, aujourd'hui, de ce passé pour faire face à de telles entreprises. Pour la Fondation du 8-Mai 45, l'esprit colonial persiste dans “l'esprit de certains députés français”. L'organisation n'épargne pas non plus les députés algériens qui se taisent et qui “ont noué (avec eux) des relations bilatérales d'amitié et de fraternité truffées de malice et de malhonnêteté”. Elle s'insurge contre la requalification de la qualité de harki, la collaboration et sa célébration comme “un devoir envers la nation et non comme une trahison et une collaboration”. D'ailleurs, le terme harki d'origine algérienne est désormais banni par l'amendement de la controversée loi. Elle a enfin estimé dans sa virulente déclaration qu'il est “temps de prendre des dispositions courageuses et utiles et rendre la monnaie par le biais de textes parlementaires pour renforcer nos légitimes revendications”. Comble du paradoxe, la France, qui se félicite de son passé colonial comparé à des campagnes de civilisation, honore les harkis, les supplétifs de son armée dans son ancienne colonie, mais intente des procès et condamne ses propres collabos, ses harkis de la Seconde Guerre mondiale. La Fondation du 8-Mai 45 n'a pas tort de relever l'ambivalence de la France et de son discours officiel.