Au temps jadis, avant l'apparition de l'homme sur terre, deux lunes voyageaient côte à côte, d'est en ouest du firmament. Le Père-Lune et la Mère-Lune se levaient chaque nuit au même moment pour traverser le ciel ensemble, dociles aux ordres du Petit-Homme de la Toundra, le magicien de l'univers. Une nuit de décembre et alors que les villages étaient silencieux et que tous les animaux dormaient, le Père-Lune dit à la Mère-Lune : “Nous voyageons toujours d'est en ouest, jamais du nord au sud. Je suis vraiment curieux de savoir ce qui se passe au nord. Je vais donc y aller, ô ma belle, sinon je périrai d'ennui.” Malgré les protestations de la Mère-Lune, le Père-Lune se mit en route. Il n'eut pas le temps d'atteindre le septentrion qu'un nuage noir fondit sur lui : un coup de tonnerre éclata et il se sentit agrippé par une main de fer. Effrayé, il se débattit comme un diable et dévala à toute vitesse. Il confia ses malheurs à Mère-Lune en gémissant : “La voix du Petit-Homme de la Toundra retentissait dans le nuage noir, me menaçant de mort si je déviais de mon chemin une autre fois.” “Reste donc à mes côtés”, gronda la Mère-Lune. Et pendant des centaines d'années, les deux astres poursuivaient leur course habituelle. Le Petit-Homme de la Toundra ne donnait plus signe de vie. Contente de son sort, la Mère-Lune ne cessait de briller et de sourire. Mais le Père-Lune s'ennuyait à mourir. Quelle vie ? Se lever, briller, tourner, se coucher sans cesse dans un ciel noir ! Il murmure à la Mère-Lune : “Je suis sûr que le Petit-Homme de la Toundra est mort. Rien ne m'empêchera d'aller faire un petit tour dans le Midi.” La Mère-Lune tenta de le retenir, mais il disparut en quelques secondes dans un énorme nuage noir. Il ne tarda pas à tomber nez-à-nez avec le Petit-Homme de la Toundra qui l'attrapa et le réduisit en mille morceaux. Quand le père-Lune ne fut plus que poussière, il le ramassa dans le creux de sa main, gonfla ses joues et, d'un souffle puissant, éparpilla ses restes dans le ciel où ils se fixèrent. Telle fut l'origine des étoiles. La Mère-Lune continua ses voyages, mais, devenue veuve, elle perdit son sourire à jamais. Nadia Arezki [email protected]