Le dernier jour de l'évènement “Mahmoud Darwich, une vie de poésie” a été marquée par un colloque qui s'est tenu avant-hier après-midi au Musée d'art moderne et contemporain (Mama) et auquel un grand nombre de poètes, d'intellectuels et de traducteurs ont pris part. Ce colloque qui se voulait un espace libre, favorisant ainsi une approche de la poésie de Mahmoud Darwich, s'est articulé autour de trois axes majeurs : “L'œuvre de Mahmoud Darwich”, “Traduire Mahmoud Darwich” et “La poésie”. La première partie de ce colloque a tourné autour de l'œuvre de Mahmoud Darwich. Rachid Koraïchi, qui a signé l'exposition du Mama qui se poursuivra d'ailleurs jusqu'au 6 novembre prochain, a donné la genèse de son travail et a raconté sa relation avec Mahmoud Darwich, qui remonte à 1981 à Tunis. “Darwich travaillait à la Ligue arabe à Tunis. Il a habité dans une maison à Sidi Boussaïd, d'un ami commun, et qui se situait à une dizaine de mètres de mon atelier. Et il avait l'habitude de se garer à côté de mon atelier et c'est comme ça qu'on a sympathisé”, se souvient-il. Les deux hommes deviendront amis et c'est à ce moment-là que Rachid Koraïchi évoque à Darwich son envie de transformer sa poésie en une œuvre picturale. Mais le but de Koraïchi n'était pas de reprendre ses poèmes, mais de saisir l'instant de création, c'est-à-dire que le plasticien a voulu recréer l'émotion du début, le déclic, ce qu'il a appelé “la démarche parallèle au poème”. C'est une démarche à la fois abstraite et philosophique. Rachid Koraïchi confiera ensuite : “Les arts plastiques, la musique, le cinéma, etc. n'étaient pas vraiment son monde à Darwich. Son monde, c'était son œuvre. Mais il m'a suivi dans le projet. On a choisi les textes ensemble et j'ai appris que la plupart des textes étaient d'une grande douleur à l'exemple du Poème de Beyrouth.” De son côté, Farouk Mardam-Bey, le responsable de la collection Sindbad chez Actes Sud a fait une excellente communication sur la poésie de Darwich, évoquant ainsi les ruptures qu'il a créée et les différentes étapes de son projet poétique. “Avant d'être son lecteur, avant d'être son ami, j'ai été un lecteur. Son premier recueil, Feuilles d'olivier, sort en 1964. Mais c'est après la guerre de 1967 et la défaite des Arabes contre Israël que sa poésie — et celle des autres poètes de l'intérieur — a commencé à circuler dans le monde arabe. La première approche qu'on fait de sa poésie, c'est l'approche politique. C'était un message d'espoir. La première rupture de Darwich se fait en 1970 lorsqu'il quitte sa Galilée natale pour Le Caire puis Beyrouth. Sa poésie est un écho où le politique n'étouffe pas l'innovation poétique. Il vivra un nouvel exil en Tunisie puis en France, et c'est là qu'il va être le plus déconcertant. Chacun de ses ouvrages paraît comme une critique de celui qui l'a précédé”, explique-t-il. Mardam-Bey ajoute : “En 2000, Darwich publie un nouveau recueil, Murale, après avoir côtoyé la mort et il est en quelque sorte comme son testament, sa muâllaqa.” Pour clore son propos très pertinent, Farouk Mardam-Bey déclarera : “La poésie de Darwich est construite sur un axe poétique qui ne se réduit pas à son axe thématique : la Palestine. Sa poésie est également orale et il y a une sorte de musicalité.” Suite à cette intervention, très savante mais accessible, Adel Karachouli a lu une lettre qu'il a écrite en 2008, à l'occasion de la commémoration en Allemagne du décès de Darwich. Puis Rachid Boudjedra a raconté sa relation avec le poète, avant de céder la place aux traducteurs, pour qu'ils expliquent leurs approches de la poésie de Darwich : un poète qui “a pris le risque de créer la rupture”.