Sous le titre Picasso créateur et destructeur, ouvrage édité en 1989 aux éditions Stock, l'Américaine Arianna Stassinopoulos Huffington a publié un livre critique, fracassant et très polémique sur le célèbre peintre Pablo Picasso, qu'elle présente comme étant un homme épris d'une rage intérieure qu'il n'a pas su dépasser. Elle pense même que c'est justement cette rage renfermée et refoulée qui a fait essentiellement la grandeur artistique de Picasso. Il est vrai que Picasso déclara à André Malraux : “Ma rage deviendra le style dominant de notre époque.” Pour l'auteur critique, Picasso a fait dans l'exotisme cherchant à soulager son âme d'une vie privée très mouvementée, triste et souvent dominée par des relations tendues et très instables. Arianna pense que le monde a trop mythifié la plupart des personnes célèbres. Arianna écrit que Picasso considérait les femmes comme des déesses mais qu'il faisait d'elles en même temps des paillassons. En ce sens, selon elle, il aimait détruire et humilier par plaisir. Comme pour étayer son argument, elle reprend une déclaration de Picasso qui disait : “Ce doit être dur pour les femmes de ma vie de voir dans mes peintures qu'elles sont déjà sur le chemin de la sortie.” Le livre est un portrait très peu complimenteur envers Picasso. Pourtant, aux Etats-Unis, il a été classé à la troisième place des best-sellers. Les sources de l'écrivaine sont directement des relations intimes de Picasso. Elle cite notamment Françoise Gilot avec laquelle Picasso a vécu dix ans, de 1944 à 1954. Ils eurent deux enfants (Claude et Paloma) que l'artiste ne reconnaîtra qu'en 1961, soit six ans après leur séparation. Françoise est elle-même auteur d'un ouvrage déjà sévère envers son compagnon, intitulé Ma vie avec Picasso. Arianna déclare ne pas chercher à nuire au peintre. Si elle a privilégié d'écrire sur l'homme plutôt que sur l'artiste, c'est parce que la quasi-totalité de ses œuvres, disait-elle, étaient des tableaux autobiographiques qui ont largement dit et traité de sa vie privée. Ses intimités sont devenues le thème central dans sa peinture. Dès lors, Picasso ne pouvait, dit-elle, qu'échapper à la critique tout comme on le ferait pour un auteur qui écrit ses mémoires propres. Un ouvrage rendu public ne peut se soustraire au droit et aux rets de la critique universellement reconnue, conclut-elle. A. A. ([email protected])