Le dessin de presse, c'est de l'impertinence, de l'opinion, de la subtilité et du talent. Mais c'est aussi de la censure et de l'autocensure. La question fondamentale est : comment faire un bon produit, frais, différent et qui colle à l'actualité ? C'est tout un art ! Avant-hier au siège de l'ambassade des Etats-Unis en Algérie, la bédéiste Jan Eliot et le dessinateur de presse Daryl Cagle ont animé une rencontre conviviale avec la presse, durant laquelle ils ont exposé la réalité de la bande dessinée et de la caricature aux Etats-Unis, ainsi que les différents soucis de ces deux formes d'expression artistique. Invités dans le cadre du Festival international de la bande dessinée d'Alger (Fibda), Jan Eliot prendra part à la conférence intitulée “La femme à l'assaut de la bande dessinée”. Jan Eliot est une des rares femmes bédéistes américaines, car “il y avait beaucoup de préjugés sur les femmes bédéistes, mais à présent, ces préjugés ont disparu ; toutefois, la réticence subsiste toujours. Certaines femmes publient avec des pseudonymes masculins. En gros, sur 250 bédéistes, on trouve 12 femmes parmi eux”, déclare-t-elle. Jan Eliot a également expliqué, pour se faire publier : il faut d'abord avoir un bon produit, puis le proposer à un syndicat (un syndicat, c'est une entreprise de publication) et puis bien sûr les journaux abonnés à ces syndicats choisiront le dessin, parmi tant d'autres. Il y a aussi la possibilité d'aller directement solliciter les journaux, sans passer par le syndicat, mais le premier critère, c'est d'avoir un bon produit à proposer. Bédéiste confirmée et publiée dans plus de 200 journaux à travers le monde, Jan Eliot a fait une école d'art et a travaillé dans la pub. Un jour, une amie à elle lui a proposé de faire de la Bd et c'est là que tout a commencé. Les thèmes que développe Jan Eliot dans ces albums sont la famille et d'autres sujets sociaux liés à la femme. Elle fait également partie de l'Ong Habitat for Humanity International et partira en Thaïlande le mois prochain dans le cadre d'un projet, qui tend à promouvoir et à aider les familles à construire des maisons. Daryl Cagle, présent en Algérie, également dans le cadre du Fibda, animera une conférence sur “La caricature aux Etats-Unis”. Il est caricaturiste éditorialiste et propriétaire d'un syndicat. Après une école d'art, il a exercé le métier d'illustrateur, puis a fait un bref passage dans la publicité. Il a travaillé au milieu des années 1990 dans un journal comme dessinateur, puis s'est installé à son compte, en fondant sa propre entreprise. Daryl Cagle a évoqué la réalité de la caricature aux Etats-Unis, tout en évoquant la censure. Toutefois, ce qui est fort intéressant, c'est que les caricaturistes sont parfois contraints de s'autocensurer. “Il n'y a pas de poursuites des représentants du gouvernement contre les caricaturistes, le problème, ce sont les gens qui réagissent à nos dessins, notamment sur le net. D'ailleurs, avec le net, on reçoit de plus en plus de plaintes. En fait, le problème se pose avec l'audience et non avec les représentants du gouvernement”, explique-t-il. Les règles du marché imposent donc aux caricaturistes, et si l'on extrapole les artistes, à se censurer. Suivant ce raisonnement, on s'aperçoit que la liberté d'expression se plie à des règles, notamment celles du marché. Le bon côté des choses, et contrairement à d'autres pays, le créateur, qu'il soit caricaturiste ou autre, pense d'abord à son public et non aux personnes qu'il caricature. En contrepartie, on attend du dessinateur de presse une opinion. Sur ce point, Daryl Cagle a déclaré : “Notre posture en tant que caricaturiste est intéressante par rapport à celle des journalistes, parce que les gens n'attendent pas de nous des informations. Ils attendent une opinion.” Daryl Cagle a également évoqué la difficulté de faire de la caricature avec un président aussi parfait et intelligent que Barak Obama. “Obama n'est pas aussi drôle que Bush. Ce dernier nous donnait beaucoup de matière. Parfois même, il me manque Bush”, dit-il avec humeur et ironie. Daryl Cagle et Jan Eliot ont ajouté qu'il existe aux Etats-Unis une organisation qui protège les droits des caricaturistes. En effet, Cartonnistes Rights Network (une organisation qui a récompensé le caricaturiste de Liberté, Ali Dilem) prend en charge les problèmes des caricaturistes dans le monde et elle est dirigée par le Pulitzer Joel Pett. “Critiquer les gens qui sont au pouvoir est le rôle du caricaturiste, et on ne s'attend pas du respect de la part d'un dessinateur de presse”, conclut Daryl Cagle.