Le leader libyen, doyen des chefs d'Etat en Afrique, tente aux yeux des observateurs d'améliorer son image à l'étranger en matière de droits de l'homme et prépare son fils à sa succession. Tripoli a libéré 88 islamistes proches ou membres d'Al-Qaïda et annoncé sa décision de démolir la tristement célèbre prison d'Abou Slim à Tripoli. Parmi les islamistes, 45 appartiennent, selon Tripoli, au Groupe islamique des combattants libyens (GICL), l'équivalent du GSPC algérien et étaient précisément incarcérés à Abou Slim où la torture était monnaie courante. Outre les membres du Gicl, les 43 autres détenus libérés sont d'anciens membres d'Al-Qaïda qui étaient actifs en Afghanistan ou en Irak, devait préciser à des agences de la presse internationale, le bras droit de Seif al-Islam, fils du leader libyen et président de la fameuse Fondation Kadhafi qui promeut l'image de marque de la Libye à l'étranger. Pour la libération des islamistes, Seif al-Islam a fait les choses en grand, comme il en a le secret. Regroupés dans la grande cour de la prison, les détenus ont rencontré des journalistes avant d'accueillir leurs familles sous les youyous des femmes et les cris d'Allah Akbar. Le tout sous l'œil de caméras pour immortaliser la clémence de Kadhafi qui se fait appelé depuis le dernier sommet de l'Union africaine : “le roi des rois” ! Cette prison, tristement célèbre pour avoir été le théâtre en 1996 d'un massacre au cours duquel des centaines de prisonniers avaient été tués, sera démoli, a annoncé le bras droit de Kadhafi junior dont le destin est de remplacer un jour son père comme dans une monarchie. Seif al-Islam qui a la main généreuse a promis d'indemniser les familles “des martyrs” qui ont trouvé la mort dans les affrontements de 1996. Selon Human Rights Watch (HRW), au moins 1 200 prisonniers ont été tués par les forces de l'ordre lors de ces affrontements, dans des circonstances qui restent confuses. Les islamistes libérés ce jeudi seront certainement dédommagés, payer les victimes étant devenu un principe dans la Jamahiriya des Kadhafi. Seif al-Islam a recouru aux services du dignitaire religieux libyen le plus écouté, Ali Sallabi, qui a expliqué à l'agence France presse qu'au début, le dialogue était très difficile, les organes de sécurité libyens, selon ses propres propos, n'avaient pas la culture du dialogue et les détenus vivaient dans des conditions difficiles, privés de visite et de soins. Selon ce prédicateur, qui a toujours cultivé de bonnes relations avec Kadhafi, les membres du Gicl ont compris que le port des armes pour le changement menait à une voie sans issue et ont procédé à une révision de leurs opinions. C'est si simple ! Le Gicl avait réaffirmé en 2007 sa détermination à combattre le régime de Kadhafi, avant d'annoncer la même année son ralliement au réseau d'Al-Qaïda. Ce groupe a été formé au début des années 1990 en Afghanistan par des militants libyens venus combattre les Soviétiques et restés sur place après le départ de ces derniers. Le prédicateur a cependant affirmé que des centaines de membres, dont les dirigeants du groupe, sont encore emprisonnés. S'il n'en tenait qu'à Seif al-Islam, les prisonniers islamistes seraient tous libérés. Mais sa volonté, a expliqué Sallabi, se heurte aux organes de sécurité qui souhaitent les libérer progressivement par petits tas. Depuis le début du dialogue avec les islamistes, il y a deux ans, plus de cent membres du Gicl ont été libérés, a indiqué, pour sa part, la Fondation Kadhafi, affirmant que plus de 130 éléments étaient toujours en prison. Mais selon un des détenus libérés, pas moins de 400 membres sont toujours détenus. Pour les analystes, la libération des islamistes et la destruction d'Abou Slim visent à changer l'image d'un régime pointé du doigt par les organisations de défense des droits de l'homme et ouvrent grandes la portes à la succession de Kadhafi par son fils.