Séjour controversé, mais Kadhafi ne compte utiliser sa présence en France que pour mieux rebondir aux Etats-Unis. Kadhafi a entamé sa visite de cinq jours en France sur fond de critiques et de polémiques. L'opposition a d'ores et déjà annoncé qu'elle sera absente dans l'hémicycle du Parlement lorsque le leader libyen y prendra la parole. Les critiques fusent en France sur sa présence, dénoncée par le parti socialiste et les organisations des droits de l'homme comme une initiative de l'Elysée de sceller la réhabilitation diplomatique du dirigeant libyen. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, estime que Sarkozy a reçu un chef d'Etat qui justifie aujourd'hui le recours au terrorisme international, allusion à des propos tenus par le leader libyen, et le recevoir est indigne. Ségolène Royal, rivale de Sarkozy à la présidentielle, a jugé quant à elle cette visite intolérable et inadmissible ! Les organisations des droits de l'homme se sont élevées contre la présence en France d'un homme à qui elle reproche, depuis son arrivée au pouvoir en 1969, son implication dans des affaires de terrorisme. Face à ces protestations, l'UMP, le parti de la majorité, a lancé un appel au respect envers le dirigeant libyen et demande plus de mesure aux professionnels de l'indignation. Les proches de Sarkozy font valoir le pactole financier que va lâcher Kadhafi. Sa présence en France, qu'il a visitée en 1973, devrait donner l'occasion de signer des contrats de plusieurs milliards d'euros. Ce tollé a laissé imperturbable Sarkozy qui, à Lisbonne, a serré la main à Kadhafi lors du sommet UE-Afrique, se disant très heureux de le recevoir à Paris. Et pour toute explication, le président français devait souligner, face aux nombreuses questions de la presse française sur le sujet, que, contrairement à d'autres dirigeants occidentaux, il avait attendu que Tripoli libère les soignants bulgares, détenus pendant huit ans au motif d'avoir délibérément inoculé le virus du sida à des centaines d'enfants, avant de se rendre en Libye soulignant : “Si nous n'accueillons pas des pays qui prennent le chemin de la respectabilité, que devons-nous dire à ceux qui prennent le chemin inverse?” Pour Sarkozy, le chahut de l'opposition ne pèse pas grand-chose devant la moisson des contrats que va signer Kadhafi. Ces contrats devraient porter sur plus de trois milliards d'euros d'Airbus, un réacteur nucléaire et de nombreux équipements militaires, a déclaré au Figaro Seïf el Islam Kadhafi, le fils aîné du dirigeant libyen, souvent présenté comme son successeur désigné. Il a ajouté, sans plus de précision, que son pays négociait aussi l'achat de Rafale, le chasseur bombardier du groupe Dassault, qui ne s'est pour l'instant pas vendu à l'étranger. Mais, pour certains analystes, la visite à Paris de Mouammar Kadhafi serait en réalité un marchepied de la Libye vers Washington. Kadhafi espère que sa visite à Paris l'aidera à accélérer la normalisation de ses relations avec les Etats-Unis et lui permettra de se rendre à Washington sous peu. La Libye pense et a toujours pensé que la clé pour revenir sur la scène internationale est à Washington, et que les principaux pays européens n'ont qu'un rôle secondaire, à part sur le plan commercial. Et à Paris, Kadhafi pense avoir frappé à la bonne porte dès lors que Sarkozy a fait acte d'allégeance à Bush. D. Bouatta