Dix mois à peine après l'investiture de Barack Obama à la Maison-Blanche, s'il est trop tôt pour dresser un premier bilan de son mandat, un constat s'impose cependant : après l'euphorie suscitée par son élection historique, la désillusion gagne peu à peu les esprits tant aux Etats-Unis que dans le monde. Son succès électoral a incontestablement été favorisé par les deux mandats calamiteux de George W. Bush et par l'arrivée, en pleine campagne, de la plus grave crise financière après la grande dépression de 1929. Mais, retour de manivelle, ces mêmes facteurs qui ont facilité son élection s'avéreront comme ses pires ennemis dans l'exercice de son mandat. Le poids de la crise, avec ses graves conséquences, continue de désabuser les Américains, malgré les efforts consentis, et l'héritage empoisonné de George W. Bush ne cesse de se dresser devant la volonté du nouveau président de rééquilibrer la politique étrangère américaine. Malgré les sommes colossales injectées par le Trésor pour sauver les institutions financières et l'industrie automobile de la faillite et les grands projets d'infrastructures décidés pour amorcer la relance de l'économie, le marché de l'emploi peine à se redresser. Si la croissance est de retour, il s'agirait d'une croissance sans génération d'emplois, selon des experts. Et si la Maison-Blanche se félicite d'avoir créé et/ou sauvé un million d'emplois, des voix s'élèvent pour mettre en doute la véracité du chiffre, au demeurant très difficilement vérifiable. Il est vrai, toutefois, que Barack Obama a averti que le processus de sortie de crise serait long et douloureux pour les Américains, surtout pour les plus vulnérables d'entre eux. Au crédit de son administration, cependant, le pire a été incontestablement évité. Mais là où il était attendu, c'est sur sa promesse de réformer le système de santé et de couverture sanitaire. Or, non seulement la réforme piétine, mais elle provoque des débats enflammés et des réactions désobligeantes à son égard, si vulgaires et excessives que dans n'importe quelle démocratie européenne, elles auraient fait l'objet de procès et de condamnations. Au plan diplomatique, tout a bien commencé pour le nouveau président. Sa volonté de privilégier la coopération internationale et le dialogue, contrairement à l'usage systématique de la force promu par son prédécesseur, et le retour des Etats-Unis au multilatéralisme ont été unanimement salués. Dans le dossier du nucléaire iranien, il a préféré la politique de la main tendue aux menaces d'attaques militaires brandies par George W. Bush. En Irak, il a mis en œuvre le processus de retrait des troupes américaines, conformément à un calendrier arrêté d'un commun accord avec les autorités irakiennes. Il a nommé un envoyé spécial pour l'Afghanistan et le Pakistan et a envoyé des troupes supplémentaires comme il l'avait promis dans le cadre d'une nouvelle stratégie antiterroriste. Il a pris à bras-le-corps le conflit israélo-palestinien en nommant George Mitchell comme émissaire chargé du dossier et s'est impliqué personnellement en multipliant les pressions sur le gouvernement israélien. Il a notamment exigé l'arrêt total de la colonisation pour permettre la reprise des négociations. Au Caire, il a prononcé un discours historique destiné au monde arabo-musulman, généralement bien accueilli. En direction de la Russie, il a fait le geste apprécié de renoncer au bouclier antimissile qui devait être installé en Europe et il a prêché, fait sans précédent, pour un monde entièrement dénucléarisé… Mais, dans tous ces dossiers, ce sont les résultats qui font le plus défaut. En Irak, les attentats meurtriers se multiplient et l'éden démocratique promis par Bush prend des allures de cauchemar. En Afghanistan, c'est l'enlisement et la présence américaine est de plus en plus impopulaire aussi bien dans ce pays qu'aux Etats-Unis. Les alliés marquent le pas et lui-même hésite à accorder les renforts demandés par le général Mc Chrystal. Le processus électoral a été un fiasco et les talibans regagnent du terrain. Quelle que soit la stratégie pour laquelle optera Obama, elle aura du mal à atteindre ses objectifs parce qu'intervenant en retard et parce que les huit ans de Bush ont occasionné des dégâts irréversibles. Au Proche-Orient, l'intransigeance d'Israël a fini par payer. En prônant une reprise des négociations sans préalable à l'occasion de sa dernière visite dans la région, Hillary Clinton a renoué avec les positions traditionnelles de Washington et la fermeté initiale d'Obama n'est plus qu'un lointain souvenir. Le processus de paix est plus que jamais dans l'impasse. Barack Obama a sans conteste été sincère dans ses discours et dans ses intentions. Il en a donné la preuve et, en cela, il n'a pas démérité. Mais sans doute a-t-il minimisé le poids de l'héritage de Bush qui continue de produire ses effets néfastes. M. A. B.