“La mendicité professionnelle des enfants est la résultante d'un phénomène qui tend à se développer à une vitesse exponentielle, tant est si bien, que nous recensons quotidiennement de nouveaux cas rien que pour la ville d'Oran”, nous indique un responsable local. Notre interlocuteur ne se fait pas prier pour dénoncer les “réseaux structurés qui agissent selon des canevas bien déterminés”. Il distingue deux catégories de mendiants professionnels qui exploitent les enfants. Il y a d'abord les enfants mendiants ponctuels et les autres dits sédentaires. Les premiers sont étrangers à la ville et, c'est par groupes entiers qu'ils se font débarquer par les différents réseaux dans les artères de la ville. “Les grandes fêtes religieuses sont l'apanage des premiers groupes qui envahissent littéralement la ville à deux ou trois jours des événements”, nous explique-t-on. Quant aux seconds, ils obéissent à un “ordre préétabli” concernant le “partage” des zones de mendicité avantageuse. Surexploités et sous-alimentés, les petits enfants subissent le diktat des adultes qui les “sous-louent” auprès de leurs parents ou de réseaux spécialisés. “Nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper que la plupart des enfants mendiants enregistrés n'ont aucun lien de parenté avec les personnes qui les utilisent”, tient à préciser notre interlocuteur. Selon lui, plus l'enfant est petit et de constitution chétive plus la “location” au prix de référence augmente. “Une véritable foire aux animaux contrôlée par une mafia brutale aux pulsions inhumaines”, s'émeut un commerçant tenant boutique au centre-ville. “Des familles accompagnées de petits enfants élisent domicile devant mon magasin. Les petits sont plusieurs fois échangés au cours de la journée contre d'autres par les mêmes adultes. Il faut faire quelque chose contre ce comportement à la limite de l'intolérable”, s'insurge un restaurateur. Ce dernier mettra en relief la douleur et l'humiliation ressenties par les petits mendiants malgré eux. Leurs exploiteurs leur administrent des somnifères pour les rendre encore plus malléables et corvéables à merci. Ainsi, ils restent exposés au froid ou au soleil pendant de longues heures, le ventre vide. “Tout récemment, deux bandes rivales, qui tenaient absolument à placer les mendiants devant mon magasin, ont sorti leurs couteaux sous les yeux terrifiés des petits et des passants. Une bagarre sanglante s'en est suivie”, témoigne notre interlocuteur. Les réseaux qui sous-traitent ce genre de trafic semblent bien organisés et répondent au seul souci de se faire rapidement de l'argent. “Au cours d'une inspection, nous avons surpris une famille entière qui s'adonnait à la mendicité. Une rapide vérification nous permit d'établir que ni le père ni la mère, encore moins leurs quatre petits enfants, n'ont un quelconque lien de parenté”, affirme un employé de la DAS. On imagine mal la deuxième ville du pays se transformer en zoo de la déchéance humaine au détriment des centaines de petits innocents. Le chiffre que nous a donné un responsable local fait froid dans le dos : 163 petits mendiants au bord de l'inanition ont été recensés au premier semestre de l'année en cours. La mise en service d'un numéro vert par les services de la Direction de l'action sociale atténuera un peu cette réalité amère. Des sorties inopinées sont programmées par les services compétents à l'effet d'endiguer ce trafic moyenâgeux. Un appel pressant est lancé par les services de l'Action sociale à l'endroit de la population afin de dénoncer les exploiteurs. La mobilisation des uns et des autres doit être concrète afin de faire barrage à ces réseaux de la honte.